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Chroniques
Ernani | Hernani
opéra de Giuseppe Verdi
À mi-chemin, ou presque, entre Nabucco et Macbeth, et premier ouvrage inspiré par Victor Hugo, nonobstant l'interdiction du poète français que celui-ci réitérera pour Rigoletto, Ernani ne connaît guère les faveurs régulières des scènes lyriques, et l'on ne peut que saluer l'initiative de l'Opéra Royal de Wallonie d'ouvrir sa saison par une coproduction avec son homologue de Monte-Carlo.
L'argument ne se montre pas avare de péripéties idiomatiques du drame – pompe historique, rivalité amoureuse, masque, vengeance – jusqu'au foisonnement, que le travail à l'empreinte plus illustrative que mnésique de Jean-Louis Grinda met en perspective spatiale plutôt que dramatique. On reconnaîtra dans le miroir incliné qui tient lieu de matrice technique le souvenir de plus d'une scénographie, où aura sans doute puisé celle d'Isabelle Partiot-Pieri. Le fond pictural de bataille et les costumes affirment une indéniable homogénéité, au diapason Renaissance de l'époque où se déroule l'intrigue, sans pour autant verser dans le carton-pâte – entre autres grâce aux lumières de Laurent Castaingt, qui habillent le plateau de manière sobre et équilibrée.
La vérité de l'ouvrage se lit cependant dans les voix, et la distribution réunie par Stefano Mazzonis di Pralafera ne démérite aucunement sur le front verdien. Se détache en particulier le Don Carlo de Lionel Lhote que la maison wallonne apprécie à juste titre – il y incarnera Figaro dans la reprise du Barbiere di Siviglia à la fin du mois d'octobre [lire nos chroniques du 11 juin 2013, du 21 janvier 2010, du 17 octobre et du 30 septembre 2009] . La franchise de la présence le dispute au velouté du legato, confirmant ainsi la stature royale du personnage auprès de laquelle le Silva d'Orlin Anastassov, au gosier incontestablement slave [lire notre chronique du 22 janvier 2013], paraît quelque peu monolithique.
Autre soliste à faire ses débuts sur la scène liégeoise, Elaine Alvarez fait vibrer les tourments d'Elvira avec une remarquable intensité qui s'épanouira sans doute bientôt sur l'ensemble de la tessiture. Dans le rôle-titre, Gustavo Porta reçoit un accueil chaleureux pour une vigueur qui prend parfois l'ascendant sur la joliesse du timbre. Mentionnons encore les interventions à-propos d'Alexise Yerna en Giovanna, et celle de Carmelo de Giosa en Riccardo, sans oublier le Jago d'Alexeï Gorbatchev.
Préparé par Pierre Iodice, le Chœur se révèle à la mesure de la fresque, quand la baguette du directeur musical de l'institution liégeoise, Paolo Arrivabeni, ne fait aucun mystère de sa maîtrise du répertoire [lire nos chroniques du 25 juillet 2011 et du 10 octobre 2009]. Prenant le relais de la mise en scène, le chef italien ménage une relative élucidation de l'architecture d'une partition dont il souligne les germes des opus à venir, dans les couleurs comme les dynamiques. À Liège, Ernani fait d'abord valoir la raison de l'oreille.
GC