Chroniques

par bertrand bolognesi

Etienne Siebens dirige MusikFabrik
Reinbert de Leeuw dirige le Philhar’

deux créations signées Fujikura et Mochizuki
Agora / Radio France, Paris
- 9 juin 2007
le chef Etienne Siebens dirige MusikFabrik au festival Agora 2007
© dr

Aujourd'hui, la maison ronde accueille deux concerts du festival Agora. Tout d'abord, celui des musiciens de l'ensemble MusikFabrik, placés sous la direction d'Etienne Siebens [photo]. Ouvert par une lecture d'une grande clarté de Paramirabo de Claude Vivier où saisit l'excellence des instrumentistes, ce rendez-vous d'après-midi se poursuit avec Sprechgesang (concerto pour hautbois et ensemble) de Jonathan Harvey, donné en première française – une pièce jouant sur l'impulsivité de l'expression et son brouillage progressif. Le recours à de discrets relais (fondu des violons sur la fin filée d'une phrase du hautbois, par exemple) comme à des associations timbriques subtiles (piano/gong), tisse peu à peu un discours d'affects encore masqué par les frottements percussifs, et découvre finalement les bribes originelles d'une langue embryonnaire que l'auteur se garde de charpenter. Plongés dans le noir, les auditeurs goûtent ensuite Telemusik de Stockhausen, bande diffusée par haut-parleurs, avant d'entendre la création française de Vesperbild où Mauro Lanza mêle à l'instrumentarium attendu un stroviol et quelques instruments-jouets – guitare, clarinette, trompette, etc., sans oublier les douces plaintes de boîtes-vaches et boîtes-moutons.

Le Conseil International de la Musique annonce à 19 heures les résultats de l'édition 2007 de la Tribune Internationale des Compositeurs. Cette cinquante-quatrième Tribune s'est tenue du 6 au 9 juin à Radio France. Dans la catégorie générale, elle a retenue Mouthpiece IX (pour voix et orchestre) de l'Américaine (vivant aujourd'hui à Graz, en Autriche) Erin Gee, née en 1974. Dans la catégorie des compositeurs âgés de moins de trente ans, elle distingue JenZeits de l'Estonien Ülo Krigul, né à Tallin en novembre 1978 ; commandée par l'Académie de musique d'Estonie, cette œuvre pour orchestre fut créée le 9 août 2005 à Berlin, sous la baguette de Paul Mägi, et couronnée par le Prix des compositeurs européens au festival Young Euro Classic.

Pour finir, l'Orchestre Philharmonique de Radio France joue deux créations mondiales. Malheureusement, le tant foisonnant que difficile Swarming Essence (pour orchestre et électronique) souffre d'une relative désorganisation des pupitres. L'écriture exigeante de Dai Fujikura (né à Osaka en 1977) qui individualise les interventions ne trouve pas de répondant à sa hauteur. Autre première : L'Heure bleue de Misato Mochizuki [lire notre entretien, ainsi que nos chroniques des 6 novembre 2004 et 28 août 2005]. Sur un calme vrombissement contenu des contrebasses, la pièce se développe au fil de répons en diagonale, traversée d'une délicate profusion d'effets microscopiques dont le détail retient l'écoute et dont l'inscription dans une vue d'ensemble génère un étrange statisme, prudemment mensonger. Après un grand geste crescendo, dans un rythme régulier, imperturbable, le compositeur a imaginé une partie de percussion suspendue à une diaphane note d'alto, pour finir dans l'ambigüité d'une phrase qui ponctue dans les atours d'une amorce mélodique ouverte.

À la tête du Philhar’, Reinbert de Leeuw manque sans doute de la présence nécessaire à imposer sa lecture de ces œuvres, comme des deux autres inscrites au programme, plus anciennes – Lonely Child de Claude Vivier (1980) et le magnifique Callin across time de Jonathan Harvey (1998).

BB