Chroniques

par gérard corneloup

Faramondo
opéra de Georg Friedrich Händel (version de concert)

Opéra de Lausanne (saison hors les murs), Salle Métropole
- 8 mars 2009
Diego Fasolis joue Faramondo d'Händel à l'Opéra de Lausanne
© dr

Si Paris valait bien une messe, Händel valait bien la réhabilitation de l’un des moins connus parmi ses quelques quarante opéras, à l’occasion du deux-cent cinquantième anniversaire du très européen compositeur. Il appartient à l’Opéra de Lausanne d’avoir tenté l’aventure et de l’avoir pleinement autant que magistralement réussie, en version de concert, ayant choisi pour ce faire Faramondo, œuvre de la période anglaise, donc de la maturité, mais où le musicien s’en donne à cœur joie dans la pyrotechnie vocale la plus italienne qui soit, ayant à sa disposition une belle brochette de castrats, à commencer par le fameux Caffarelli.

Passons d’emblée sur une intrigue multipliant les habituels je t’aime, moi non plus, qui truffent les interchangeables libretti de l’opera seria, enfilant une longue suite d’arie tour à tour élégiaques, féroces, décidés ou véhéments, que viennent défendre les divers protagonistes, à grand renfort de fioritures vocales et autres tenues de notes. Si l’on ajoute que les chœurs sont ici réduits à la portion congrue (une homéopathique intervention au début et une autre plus consistante, lors de l’ensemble final), on comprendra que cette litanie vocale liée à un certain statisme dramatique peut vite sombrer dans la monotonie côté scène et dans l’ennui côté salle - sauf à goûter une interprétation haut de gamme, à tous les niveaux.

C’est justement ce que possède la puissance invitante de cette représentation unique, à plus d’un titre, à commencer par la direction musicale de Diego Fasolis, parfaitement à son aise dans ce répertoire et tout particulièrement dans cette partition trop oubliée, dont il dessine toutes les nervures, souligne sans excès chaque brisure, détaille toute les subtilités, accompagne et maîtrise toutes les envolées, travaillant avec un art consommé la pâte instrumentale de l’ensemble I Barocchisti, et ce, dès la rutilante ouverture.

Mais le maestro se fait aussi le navigateur avisé, véritable architecte de la vocalité, fixant à chaque chanteur son territoire et l’aidant constamment à s’y sentir bien, à s’y épanouir. Des chanteurs parfaitement bien choisis quant à leur rôle respectif, à commencer par le contre-ténor Max Emmanuel Cenčić dans le rôle-titre, accumulation de périlleux passages. Ses amis, ses amours, ses ennemis ne sont point en reste ou en retrait, des contre-ténors Philippe Jaroussky (Adolfo) et Xavier Sabata Corominas (Gernando) à la basse Insumg Sim (Gustavo), en passant par le baryton Fulvio Bettini (Teobaldo). Côté féminin, l’agilité vocale du soprano Sophie Karthäuser (Clotilda) le dispute à la musicalité rayonnante du mezzo-soprano Marina de Liso (Rosimonda).

Si l’on ajoute que, par ses applaudissements nourris, le public lausannois gomme, plus de deux cent soixante-dix ans plus tard, le souvenir du public londonien qui n’avait applaudi que du bout des doigts la création de ce Faramondo, on conviendra que l’anniversaire Händel est marqué là par une pierre blanche.

GC