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Chroniques
Faust
opéra de Charles Gounod
De Sapho (1851) jusqu'au Tribut de Zamora (1881), Faust assure incontestablement la renommée de Charles Gounod, parmi une douzaine d'opéra. Élevé par une mère professeur de piano, cet élève de Lesueur et d’Halévy, Premier Prix de Rome en 1839, traverse bientôt une crise mystique qui l'incite à prendre des cours de théologie, à envisager l'entrée au séminaire et à composer de plus en plus d'œuvres religieuses – dont un Requiem, musique ultime écrite suite au décès d'un petit-fils et qu'il n'entendra jamais, ainsi qu'une vingtaine de messes. Si l'intérêt pour l'ouvrage de Goethe remonte aux années italiennes (suite aux conversations avec Fanny Hensel, la sœur de Mendelssohn), il attend 1856 pour collaborer avec les librettistes Barbier et Carré, auteurs d'un drame fantastique : Faust et Marguerite (1850). Le metteur en scène Gerhard Weber est d'ailleurs conscient de l'importance de l'héroïne, résumant l'ouvrage en ces termes : « c'est l'histoire de l'abus d'une fille du peuple par un chercheur finalement incapable de vivre sa vie et qui, lui aussi, à son tour, est la victime consentante de Méphistophélès. En même temps, c'est aussi la satire d'un monde plein d'ignorance dans lequel Méphistophélès n'a aucun mal à réunir les deux personnages pour mieux les diviser ensuite ».
Depuis la création de sa première version le 19 mars 1859, Faust connut plusieurs milliers de représentations de par le monde. Conçue en partenariat du Theater Trier (Opéra de Trèves), cette nouvelle production n'en révolutionne pas l'approche, hésitant entre symbolisme, réalisme, voire surréalisme. Dans la fumée du laboratoire, un tableau noir laisse vite apparaître un poisson, animal associé au christianisme depuis la nuit des temps. Mais ses allures de cœlacanthe en font un organisme dégoûtant, semblant avoir livré tous ses secrets au scientifique blasé tout en conservant une part de mystère insondable. Avec son mouvement de pendule en arrière-plan, un immense crucifix à l'envers représente la fuite du temps (mort) autant que la tentation du mouvement (vie). Les tableaux, sobrement associés à des moments de crises intimes, qui ont recourt à un immense mur frontal percé d'occasionnels ouvertures (église, prison) sont les plus réussis. Malgré des maquettes de maison qui créent un horizon artificiel, les scènes villageoises, folkloriques et plus convenues (danse autour d'un mât à rubans, parade militaire) s'encombrent d'accessoires risibles (Veau d'or, fleurs géantes, miroirs à roulettes).
Alain Vernhes étant souffrant, c'est Nicolas Cavallier qui interprète Méphistophélès. Le chant est sonore, rond et chaud ; on le souhaiterait parfois plus nuancé, même s'il sied à son personnage impétueux, au geste vif. Retirant sa barbe grise, Jean-Pierre Furlan se montre ténor vaillant, bien que sujet à quelques notes instables et par moments métalliques. Habituée au rôle de Luisa Miller, Fiorella Burato compose une Marguerite gracile dont la silhouette longiligne rend touchant le dénuement final. Le chant apparaît d'abord appliqué, fluet et décharné, tout en se révélant paradoxalement présent et richement coloré. Jouissant d'une belle articulation, André Heyboer (Valentin) semble engorgé. Enfin, on apprécie le chant clair et stable d'Hermine Huguenel (Siébel), la voix large et expressive de Béatrice Burley (Dame Marthe) et l’expressivité caressante de Jean Vendassi, artiste qui fait exister un personnage pourtant bien mineur (Wagner).
« La musique devrait être composée dans le caractère du Don Juan ; c'est Mozart qui aurait dû mettre en musique Faust », regrette Goethe dans un courrier de 1829, quelques années avant de mourir. À la tête de l'Orchestre du Duo Dijon, Claude Schnitzler offre une lecture enveloppante et souple, avec des envolées de cordes délicates, des percussions discrètement présentes. Cette élégance sert un drame pourtant bien parodique, au regard de la quête religieuse préalablement mentionnée. Une fois encore, le Chœur préparé par Bruce Grant ne démérite pas.
LB