Chroniques

par bertrand bolognesi

Ferrari, Mazzocchi, Monterverdi, Ortiz, Rigatti et Sances
Philippe Jaroussky et l’ensemble Artaserse

Festival de Sablé / Église Notre-Dame, Durtal
- 26 août 2004
Philippe Jaroussky photographié par le musicologue Bertrand Bolognesi
© bertrand bolognesi

La péninsule italienne s’affirme largement présente au Festival de Sablé, comme il se doit dans une programmation baroque. L’on y entend quelques raretés des uns et des autres, à commencer par le splendide récital présenté par l’ensemble Artaserse et le contre-ténor Philippe Jaroussky [lire notre actuel dossier] en l’Église Notre Dame de Durtal, jeudi en fin d’après-midi.

Deux motets du romain Domenico Mazzocchi (1592-1665) ouvrent ce concert intitulé Musique spirituelle et motets du Seicento. Il Passagio del Mar Rosso relatent l’épisode biblique que l’on sait, avec une expressivité personnelle dans laquelle Philippe Jaroussky s’engage d’emblée, d’une voix encore un peu raide qui s’assouplit au fil du programme. Dès Pianto della Madonna, le chanteur livre une ligne plus évidente, au service d’une sensibilité généreuse et émouvante, délicatement inspirée par le texte ici porté au delà de son seul intérêt musical. Alternant musique vocale et pièces instrumentales, la gambiste Christine Plubeau donne un énergique Ricercardas du Tolédan Diego Ortiz avec un évident raffinement, qui introduit Queste pungenti spine, cantate spirituelle du théorbiste émilien Benedetto Ferrari (1597-1681) où Jaroussky réalise des vocalises d’une extraordinaire légèreté, d’un timbre finement coloré. Plus le récital progresse, plus la voix gagne en couleurs, sans perdre d’un éclat qui s’exprime alors pleinement, comme dans Durum Cor ferreum et Gaude nunc Gaude du grand Legrenzi qui, pour parler latin, n’en sont pas moins les deux seules incursions profanes de ce programme.

Après une fort élégante pièce de théorbe de Piccinini donnée par Marc Wolf, nous retrouvons la voix dans un Stabat Mater dolorosa et un Salve Regina qui viennent saluer la Vierge dans un choix programmatique à lui être largement dédié. Si l’on admire une nouvelle fois les qualités artistiques de Philippe Jaroussky dans la première hymne de Giovanni Felice Sances (1600-1679), celle du vénitien Antonio Rigatti (1615-1649) se fait fervente et dramatique prière. Tout naturellement, les artistes offrent le Salve Regina de Monterverdi en bis.

BB