Chroniques

par françois cavaillès

Fidelio
opéra de Ludwig van Beethoven

Grand Théâtre, Genève
- 12 juin 2015
Nouvelle production de Fidelio (Beethoven) au Grand Théâtre de Genève (2015)
© carole parodi | gtg

Quand Fidelio se joue une nouvelle fois à Genève, rendez-vous est pris avant tout avec le génie de Beethoven, aux multiples facettes. D’entrée se dégage l’impression de grande compacité entre scène et orchestre, ainsi que le choix d’un rythme soutenu, au pas de course. En ce qui concerne le fort débit musical, une explication pourrait se trouver dans la brochure de salle où le chef Pinchas Steinberg, présenté comme un habitué de l’œuvre, assure faire avancer la partition bicentenaire en fonction de l’évolution des sonorités orchestrales, et cela avec le punch des instruments actuels – « il y a des sections dans la partition, notamment chez les cuivres, où je rajoute des notes car il me semble nécessaire d’adapter la musique aux moyens des instruments modernes ».

Au milieu de l’Ouverture aux accents sidéraux, le rideau découvre un décor moderne, surexposé et immaculé, où viennent se côtoyer les univers de la vidéosurveillance et de la blanchisserie. Le badinage bien connu entre le pion Jaquino et la ménagère Marzelline est poussé en pleine avant-scène, pour un numéro réussi de jeunes chanteurs très comédiens, le ténor Manuel Günther et, surtout, le soprano Siobhan Stagg, à la fois frais, toniques et savamment harangueurs. Les amateurs iront même jusqu’à remettre une palme du meilleur acteur au baryton Detlef Roth pour son jubilant Pizarro, au sadisme de chacal engoncé dans un costard Tarantino. Ainsi, en privilégiant théâtralité directe et vivacité, cette nouvelle production genevoise, signée par une équipe en majorité allemande, met d’abord en valeur l’hyper-ingéniosité beethovenienne à l’œuvre dans chaque scène et si prodigieusement attentive à chaque mot du livret.

Sur le plan lyrique, c’est encore, dans l’air de Marcelline puis à l’entame du quatuor en canon, de Siobhan Stagg et de son beau timbre que provient le plus remarquable, le plus émouvant. L’interprète ne paraît pas surclasser vocalement ses partenaires plus expérimentés, tels la basse Albert Dohmen, Rocco à la couleur impeccable, et le soprano vedette Elena Pankratova, Léonore intéressante en devenir, plus à l’aise au second acte, notamment dans le duo révélateur, et « wagnérisant », avec le ténor Christian Elsner dans le rôle de Florestan. Avec un bagage plus léger – mais agréable, ne serait-ce que la Pamina plutôt avantageuse à la Deustche Oper de Berlin cet hiver –, Stagg transmet le romantisme qui fait défaut à l’ensemble de la production, en dépit des miracles alchimistes du compositeur.

Enfin l’aspect euphorisant de Beethoven est davantage sensible, et ce tout particulièrement dans les chœurs, bien sûr, plutôt qu’au Singspiel… Question de volume, hissé haut par le Chœur du Grand Théâtre de Genève dirigé par Alan Woodbridge, tout comme joue à plein le travail du Hongrois Tamás Bányai aux lumières, très contrasté, éclatant la simplicité du plateau par l’usage de néons et de projecteurs disposés de manière originale. La recherche d’amplitude pourrait aussi caractériser la mise en scène, signée Matthias Hartmann, riche en verticalité. Dans les habiles actions scénographiques, avec de larges élévateurs (ainsi l’apparition des prisonniers) puis dans la création du gouffre imposant où croupit Florestan, s’affirme une vraie fidélité… aux dénivelés du Vieux-Genève.

FC