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Chroniques
Fidelio
opéra de Ludwig van Beethoven
C’est le Fidelio de tous les scandales auquel nous voilà conviés à Lyon. Responsable de la démission d’Ivan Fisher (directeur musical de la maison), le débat autour de la suppression des dialogues parlés – remplacés par de courtes scène mimées (admettons également que la grande majorité du public n’est pas germanophone) – aura fait couler beaucoup d’encre. Cette décision a le grand bénéfice de contraindre le spectateur à se concentrer sur l’action et ainsi participer au drame. Théâtralement très efficace, nous ne pouvons que regretter le départ de Fisher qui, hormis tout mérite musical, entretenait des relations chaotiques avec la dramaturgie.
Car cette production importée du Salzburger Festspiele marque, semble-t-il le grand retour de Lyon dans le circuit européen, tant grande est la qualité du travail accompli.
Nikolaus Lenhoff (repris par David Walsh) signe un spectacle impressionnant, jouant sur un dispositif ingénieux de panneaux noirs, qui révèle toute la dureté du monde carcéral et la rudesse de son atmosphère. Les détenus injustement emprisonnés sont cagoulés et errent impersonnellement comme des silhouettes fantomatiques ; sans visages, ils ne sont ni humains ni coupables mais des créatures traquées et humiliées.
Vocalement, la distribution atteint des sommets.
Emmenée par Gabrielle Fontana, Léonore tout feu tout flamme, voix solide de la détermination et musicalité du désespoir, le triomphe ne lui sera pas volé. Le soprano est tour à tour une tornade en furie et la plus aimante des femmes ; troublante, la magie vocale déployée subjugue. Robert Dean Smith, nouvelle gloire Wagnérienne, n’a aucun mal à venir au bout du rôle de Florestan qu’il maîtrise parfaitement. Reinhard Hagen, basse chaude et généreuse, campe un Rocco touchant, ne tirant que les côtés les plus humains de son rôle. Royal, Kurt Gysen en Fernando finit d’asséner ce festival de basses, profondes et impérieuses.
Nous ne pourrons que regretter le manque d’ampleur de Claudio Otelli en Pizarro. Si le jeu, le style et le timbre sont parfaits, il ne supporte malheureusement pas la comparaison avec les autres chanteurs. La trop jeune Claudia Braun manque de métier pour se confronter au personnage de Marcelline. Sa voix en devenir est belle et la chanteuse capable de nuances, mais elle ne parvient pas à déjouer toutes les difficultés de l’ensemble du rôle et accuse régulièrement des problèmes de justesses et de placement.
Grandis, l’Opéra national de Lyon et ses artistes permanents sortent victorieux de ce Fidelio qu’on disait de tous les risques. Fidèle à son habitude de haute tenue, le chœur maison est magnifié. L’orchestre est littéralement transcendé par Léopold Hager : vif et généreux, le chef autrichien, fidèle à ce répertoire, dirige un Beethoven de sang et d’émotions. Comme investi d’une mission, il fait respirer cette magnifique musique ; bienveillant et déterminé, il ne lâche ni chanteur, ni choriste, ni musicien, mais convoque avec talent toutes ces énergies au profit d’un Fidelio qui combat pour l’humanisme. Ovation finale –on en redemanderait…
LL