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Chroniques
François Bazola et l’Ensemble Consonance
continuo par souffle jazzy : de Monteverdi à Bach
Comme dernier rendez-vous des Concerts d’automne à Tours, l’Ensemble Consonance propose un parcours original, jalonné d’extraits baroques réorchestrés, ou parfois arrangés, pour les cinq excellents musiciens que sont Jean-Baptiste Réhault (saxophones alto et baryton), Lucas Peres (viole de gambe et lirone), Ivan Gélugne (contrebasse), Florentin Hay (percussions) et Cédric Piromalli (clavecin, piano et Fender Rhodes). Le metteur en son Matthieu Plouchard est chargé, quant à lui, de la balance et de la sonorisation. Pour commencer, François Bazola, le directeur de l’ensemble, dit sa joie de jouer en ces temps troublés par le Covid-19, mais aussi sa peine à la suite de l’assassinat de Samuel Paty. Le public du Grand Théâtre se lève et observe une minute de silence à la mémoire de l’enseignant et au nom de la liberté d’expression.
Après Go nightly cares de John Dowland, au relief dramatique des percussions et saxophone, vient Objet dont les charmes si doux du rare Antoine Boësset, mettant en évidence le point faible du concert, à savoir la voix de François Bazola : en déficit de stabilité, l’instrument rend l’intonation hasardeuse. C’est dommage, car l’élocution est assez claire. Dans leur majorité, les extraits sont handicapés par le manque de maintien vocal, malgré les bonnes intentions d’interprétation.
À ses côtés, Judith Derouin fait entendre un timbre agréable, musical, des aigus aériens qui planent joliment sur beaucoup de passages, par exemple dans Si, ch’io vorrei morire de Monteverdi. L’orchestration fait souvent évoluer les pages baroques vers un climat jazzy où la contrebasse en pizzicati, le piano et les percussions investissent l’espace, en particulier dans l’extrait de The Fairy Queen de Purcell qui s’ensuit ou dans l’improvisation sur Mache dich, mein Herze, rein qui s’écarte franchement de la Matthäus-Passion de Bach telle qu’on la connaît.
Pas de temps morts entre les morceaux : le récit de la Fortuna dans L’incoronazione di Poppea livre un passage très dansant, presque endiablé. Il faut quelques minutes pour discerner l’extrait des Indes galantes – nous qui pensions connaître le chef-d’œuvre de Rameau par cœur… comme quoi ! Le début du Lamento della ninfa de Monteverdi séduit l’oreille dans une ambiance expérimentale, avec un petit gratté sur le cordier du piano, mais ensuite, le dialogue entre soprano et saxo fonctionne moins. De même Betrachte, meine Seel de la Johannes-Passion évoque-t-il un Lied de Richard Strauss dans cette adaptation. Au global, des initiatives intéressantes, bien que de nombreux auditeurs retourneront vraisemblablement avec plaisir à l’original de chaque compositeur.
Fairest isle du King Arthur de Purcell est chanté avec élégance et sentiment par Judith Derouin, à la manière d’une ballade irlandaise, mais avec un bœuf intermédiaire aux piano, percussions et contrebasse. Le dernier morceau du programme, Noires forêts d’Antoine Boësset, commence au synthétiseur comme une musique planante années soixante-dix (la répétition des premières mesures évoque irrésistiblement la chanson Us and them des Pink Floyd), puis le programme se termine… sur un petit effet Larsen ! En bis est donné une chanson de Frescobaldi au rythme chaloupé qu’on garde dans l’oreille, dans une orchestration réussie.
FJ