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Chroniques
Françoise Lasserre dirige Akadêmia
Messe d'un confesseur de Claudio Monteverdi
L'intitulé du concert, Messe d'un confesseur de Claudio Monteverdi, pourra en étonner plus d'un – rien de tel dans le catalogue du grand Monteverdi. Mais Françoise Lasserre a plus d'un tour dans son sac. Spécialiste du baroque, et notamment du répertoire vocal avec son ensemble Akadêmia, chercheuse invétérée guettant toujours de nouveaux moyens de faire connaître cette musique qui la passionne, elle a de toutes pièces monté une messe faite de diverses œuvres sacrées du maître. Cette pratique n'a finalement rien de choquant : à l'époque les offices n'étaient pas systématiquement mis en musique par un ensemble de pièces conçu comme un tout (un exercice somme toute récent, puisque la première du genre serait la Messe de Notre-Dame de Guillaume de Machaut).
Le concert débute donc très « classiquement » sur une antienne, entonnée d'une voix claire par les deux ténors de l'ensemble, Bruno Boterf et Marcel Beekmann, aussitôt suivie du Dixit Dominus (pour huit voix avec accompagnement de deux violons et basse continue) qui, dynamique et sec, sonne avec une nudité franche dans la belle acoustique de l'Abbaye de Chancelade. Évitant avec soin tout maniérisme ou affèterie, Françoise Lasserre galvanise d'emblée ses troupes en mettant l'accent sur l'énergie des contrepoints, sans toutefois se priver de la plénitude soyeuse des cadences harmoniques. Mais si l'impression première est celle d'un Monteverdi brillant de mille feux, presque éblouissant, on ne sait bientôt plus trop que regarder, qu'écouter – on aimerait avoir le temps de s'attacher à une phrase sans la voir si vite éclater en pétillante. Exaltants à l'extrême, ce Dixit Dominus, et les quelques pièces qui suivent, dégagent une telle tension, trépidante et pressée, qu'on aimerait voir chanteurs et musiciens s'assouplir un instant et, éventuellement, se concentrer sur les saveurs mésotoniques de l'harmonie.
L'impression d'urgence n'est pas étonnante en cette fin d'été.
Les ensembles tournent depuis maintenant deux mois et la fatigue nerveuse et physique induite par les constants déplacements et l'impossibilité de « souffler » entre les concerts commence à se faire sentir. Hier soir à La Chaise-Dieu, les musiciens de l'ensemble Akadêmia ne sont arrivés à Périgueux que dans l'après-midi. De peur de donner une performance « molle », ils compensent par un excès d'énergie…
Bien heureusement, ils se détendent vite. C'est alors un vrai plaisir de les entendre se mouvoir dans cette sublime musique. Les chanteurs, un à un, brillent dans une série de pièces solistes, et tout particulièrement le soprano Juliette Perret qui, dans le Jubilet tota civitas, sait tenir en haleine, tant avec ses rayonnantes mélodies qu'avec les diminutions déroulées dans une admirable sensation de liberté. Bien aidée par un continuo puissant, Françoise Lasserre mène avec maestria les ruptures de carrures du Laudate Dominum (pour huit voix avec deux violons). Pur moment de bonheur, la fin est dominée par l'exquis duo de violons, tenu par Flavio Losco et Isabelle Lucas, qui fournit à l'ensemble vocal un parfait contrechant.
Enfin, quitte à reconstituer le commun de la liturgie de pièces isolées, pourquoi ne pas clore la soirée sur un majestueux Magnificat de Cavalli ? Cavalli lui-même l'avait inclus dans l'édition de la Messa a 4 voci et salmi de son maître et ami, publiée en 1650.
JS