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Chroniques
gala Giacomo Meyerbeer
Diana Damrau, Antonio Pappano
Dans le prolongement de sa présentation de Dinorah ou Le Pardon de Ploërmel (1859) à Berlin en version de concert, sous la direction d’Enrique Mazzola (ce 1er octobre), et du colloque Meyerbeer et le grand opéra français à Pistoia (du 12 au 14 septembre derniers), le Palazzetto Bru Zane commémore les cent-cinquante ans de la disparition du compositeur prussien, né Jakob Liebmann Meyer Beer trois mois avant la mort de Mozart, avec cette soirée romaine de gala. De ce musicien européen qui fit ses débuts entre Hohler See et Danube avant d’affermir à Paris une fort belle carrière italienne, nous aborderons l’univers au fil d’un programme mêlant airs et passages instrumentaux de sa plume mis en regard par l’exécution de trois pages empruntées à ses contemporains.
L’Italie, pour commencer, avec la Semiramide de Rossini (1823). De son Ouverture, Antonio Pappano livre une lecture finement ciselée, profitant en gourmand des pupitres de son Orchestra dell’Accademia nazionale di Santa Cecilia sans entraver l’exigence de tonicité qui enjambe prestement l’accentuation générale. Cette saine vivacité du geste s’avère ensuite le maître mot du concert [disponible sur YouTube], évitant les rubatos excessifs et les délectations alanguies. De Giacomo Meyerbeer, qui s’était activement penché quatre ans plus tôt sur le livret de Métastase, nous entendons un extrait d’Il crociato in Egitto, créé à Venise en 1824. D’un timbre chaud et d’une émission facile, le soprano Diana Damrau engage D’una madre disperata, d’abord un rien raide puis dans une nuance suave, dès la deuxième strophe (« Deh ! Mira l’angelo dell’innocenza… »), à laquelle répond un Coro dell’Accademia nazionale di Santa Cecilia vaillant et très précis.
Rome au XVIe siècle... c’est à l’Ouverture de Benvenuto Cellini d’Hector Berlioz (1838) qu’il revient de faire le lien entre les succès italiens de Meyerbeer et sa conquête de la capitale française. On retrouve ici la verve inspirée qui récemment caractérisait la direction d’Antonio Pappano dans ses Troyens de Londres [lire notre critique du DVD]. Il plonge d’emblée l’écoute dans le vif du sujet, avantageusement secondé par la franche robustesse des violoncelles. Dans ces mêmes années trente du XIXe siècle, l’Opéra de Paris jouait pour la première fois une œuvre de Meyerbeer, Robert le Diable, qui connut un immense succès, en France comme ailleurs [lire notre critique du DVD] – son auteur lui-même fera remarquer qu’en huit ans plus de mille huit cents théâtres la produisirent (on n’ose imaginer le nombre de représentations que cela comptabilise). Robert, toi que j’aime bénéficie d’un ambitus dynamique fort développé, Diana Damrau se révélant tant habile dans l’ornement que dans la diction française. Que se passe-t-il outre-Rhin dans la même décennie ? Weber n’est plus et le jeune Wagner n’en est qu’à ses premiers pas… Das Liebesverbot, composé d’après Measure for measure de Shakespeare, voit le jour en Saxe au printemps 1836. L’interprétation de son Ouverture en souligne tout l’héritage rossinien, appuyé d’une faconde un rien pompière.
Contexte ainsi posé, la seconde partie se concentre intégralement sur la musique du Meyerbeer de la maturité. Ainsi de L’Africaine, ouvrage créé près d’un an après la mort du compositeur, et dont la Marche indienne fait assurément grand effet, doublant avec opulence ses cuivres aus der Ferne. Des Huguenots de 1836, Diana Damrau donne luxueusement O beau pays de la Touraine, en pleine possession de ses moyens. De part et d’autres de ces deux moments, Dinorah ou Le Pardon de Ploërmel, avec le célébrissime Ombre légère que l’orchestre sert d’une souplesse exquise et le soprano d’un phrasé élégant et d’une invraisemblable agilité, en brave petite machine vocale. Pour finir, Antonio Pappano convoque orchestre et chœur dans une exécution soignée de l’Ouverture, lui réservant un suspens certain. Pour finir, vraiment ?... Des Huguenots, les artistes offrent en bis l’air Nobles seigneurs, salut.
BB