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Chroniques
Georg Friedrich Händel | Messiah, oratorio HWV 56
The King’s Consort, Robert King
Avec Israel in Egypt, Saul et Salomon [lire notre chronique du 26 juin 2012], l’oratorio Messiah vient en bonne place dans le programme sacré du festival versaillais dédié cette année à Händel. Après les exécutions de John Butt, au dernier solstice, c’est Robert King et son King’s Consort qui s’installent pour deux soirs à la Chapelle Royale.
Disons-le d’emblée : l’interprétation de ce soir laisse une impression de fadeur, assez inhabituelle avec cet opus. Certes, Le Messie arbore un effectif plus restreint que d’autres grandes pages händéliennes du genre ; certes, sa trame évite soigneusement la narration, le « mystère ». Aussi ne semble-t-il pas inapproprié d’en maintenir la lecture dans une certaine retenue. De là à la circonscrire dans un timide sans-vagues… Articulant des échanges pupitraux nuancés, d’une manière toute « classique » plutôt que « baroque », King ne démérite pas, loin s’en faut. Au fil de la soirée, il défend scrupuleusement son option, celle d’une version recueillie qui, peut-être, prend position dans une vieille polémique qui courut autrefois quant à l’œuvre elle-même – le sacré au théâtre | le théâtre à l’église : pour sûr, le temple ne sortira pas du temple, cette fois.
Qu’on ne se méprenne pas, toutefois : la fidélité à la lettre n’est pas en cause. Chaque trait bénéficie du soin qui doit lui revenir, de la part d’instrumentistes irréprochables. De même le Chœur s’affirme-t-il parfaitement à jour avec une partition qu’il possède amplement. Quant à l’esprit, prétendrons-nous connaître exactement quel il est ? Il appartient à chaque chef de tracer son chemin dans Messiah. Hautement vertueux, jusqu’au non-ornemental (hiératique The trumpet shall sound, par exemple), celui que sillonne Robert King n’est pas loin d’assoupir notre écoute quand il souhaite édifier le cœur. Mais il convient de rappeler que le concert, moment particulier entre tous, nécessite une rencontre ; qu’afin que rencontre il y ait, encore faut-il des musiciens tout disposés à servir leur art et des oreilles en conditions de le recevoir : partant de là, envisageons que la distance de l’interprétation se soit confrontée à une attente chez nous nettement autre (sans tort ni raison, d’ailleurs), d’où une rencontre contrariée.
Le plateau vocal ici réuni laisse un sentiment d’inaccompli. Le soprano Julia Doyle affiche un aigu facile, un chant charmant et un gentil format ; mais ce sont des notes qu’elle distribue adroitement, plutôt que des phrases qui induiraient un sens. Sa présence vocale accuse le défaut de sa qualité : décorative. Diana Moore commence d’abord sur un troublant détimbrage du grave. À l’inverse, la conduite de la nuance, du phrasé, la respiration elle-même inscrivent sa prestation dans une pleine justesse d’intention. De fait, le mezzo britannique retrouve largement ses marques pour la deuxième partie : la couleur se déploie, le bas-médium gagne son grain, la présence au texte convainc. Son He was despised est sans conteste l’aria de la soirée, où la voix « agit », pour ainsi dire ; c’est concentré, conçu de l’intérieur, si bien que personne n’y saurait être indifférent. Cela qui contamine le chœur qui, du coup, s’investit plus dramatiquement. De même le ténor Joshua Ellicott n’apparaît-il pas sous son jour le plus flatteur, en début de concert. Le premier récitatif accompagné est instable et l’aria qui s’ensuit nécessite une nasalisation qui aigrit le timbre. La partie médiane lui sied mieux, avec un tonique Thou shalt break parfaitement prégnant qui révèle des harmoniques précieuses. Enfin, David Wilson-Johnson livre une partie de basse de haute tenue et qui va de soi, savourant le texte juste ce qu’il faut.
BB