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Chroniques
Georg Friedrich Händel | Messiah, oratorio HWV 56
Lauren Lodge-Campbell, Alex Potter, Andrew Staples, Konstantin Wolff
En juin 2020, les musiciens de La Chapelle Harmonique et son chef Valentin Tournet étaient invités à donner le célèbre oratorio d’Händel par le Festival de Saint-Denis. Juin 2020, ce n’était encore qu’à peine quelques semaines après l’ouverture officielle des portes de chacun, après un confinement qui avait duré du 17 mars au 13 mai ; dans ce contexte-là, il n’était pas encore question d’accueillir le public. Durant l’été qui s’ensuivit, organisateurs culturels et décideurs politiques expérimentèrent plus ou moins des solutions qui permirent encore aux théâtres et aux salles de concert de jouer, à l’automne, devant plusieurs paires d’oreilles. Cela ne dura pas longtemps, on ne le sait que trop – du 28 octobre au 19 mai, l’accès aux arts fut entravé de drastique manière. C’est donc avec plaisir que les artistes accomplissent ce soir leur mission, bien que le couvre-feu, à trois jours de sa caducité, ait exigé de nombreuses coupures dans l’œuvre exécutée.
Gambiste précoce, Valentin Tournet a fondé La Chapelle Harmonique, un orchestre s’exprimant sur instruments de facture historiquement renseignée doté d’un ensemble choral, en 2017. L’année suivante, ils enregistraient le Magnificat de Bach. Tout récemment, une deuxième production discographique a paru, consacrée au ballet héroïque de Rameau, Les Indes galantes. Dès la Sinfonia de la première partie du Messiah frappe une inflexion profonde, voire sévère. Sans lenteur, l’approche de Tournet témoigne d’une grande attention aux équilibres pupitraux et vocaux – tant que faire se peut dans l’acoustique de la basilique –, déposant tendrement l’introduction du premier air de ténor, par exemple, dédaignant salutairement ces soubresauts auxquels s’adonnent parfois quelques baroqueux, et maintenant une franche élasticité sur les à-coups de la partition. Ces belles qualités ne démissionneront pas de tout le concert, au service d’une gravité imposante mais jamais pontifiante. Sans heurts, le travail du chœur est à l’avenant, tout de souplesse. Et s’il arrive qu’on en perde parfois quelques prestes vocalises, c’est à la voûte qu’on en doit la noyade.
Le jeune chef sait s’entourer, c’est indéniable, comme en témoigne aisément le quatuor de solistes vocaux ici réuni. Trémulante à souhait, la basse de Konstantin Wolff [lire nos chroniques de de la Matthäus Passion, d’Orlando, Castor et Pollux puis Rodelinda] confirme une expressivité bien venue. Après une première intervention un peu maigre quant au plus bas du registre, l’air Why do the nations convainc pleinement et l’incisive douceur de The trumpet shall sound caresse délicieusement l’écoute. On découvre le soprano Lauren Lodge-Campbell qui prodigue un chant lumineux et toujours parfaitement mené dont on se plaît à penser qu’il se privait avec avantage de toute minauderie à en entraver quelque peu l’esprit. S’il put autrefois nous paraître un rien timoré [lire notre chronique du 12 avril 2017], le countertenor Alex Potter se révèle grand musicien, aujourd’hui. La suavité du timbre, l’intelligence de la conduite de la ligne vocale, la subtile sensibilité qui honore chaque phrase, de But who may abide à He was despised, bouleversant de délicatesse, signent une prestation de haute volée dont la tendresse inouïe est l’un des grands atouts. Enfin, on retrouve l’excellent Andrew Staples, ténor clair qui mord idéalement le texte. Évidente, sa gestion du souffle autorise une ornementation fluide telle qu’on aimerait plus souvent en rencontrer [lire nos chroniques de la Grande messe des morts, de Szenen aus Goethes Faust, Das Paradies und die Peri et The dream of Gerontius]. Commencés il y a une semaine, l’édition 2021 du Festival de Saint-Denis promet encore beaucoup, jusqu’à sa soirée de clôture, le 29 juin.
BB