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Chroniques
Gewandhausorchester Leipzig
Brahms par Riccardo Chailly, épisode 2
Après un Double Concerto et une Symphonie n°1 très discutables [lire notre chronique de la veille], Riccardo Chailly et son Gewandhausorchester de Leipzig poursuivent cet après-midi leur cycle Brahms en tournée à la Salle Pleyel.
Interprété par Arcadi Volodos pour la partie soliste, le Concerto pour piano et orchestre en si bémol majeur Op.83 n°2 démontre dès les premières mesures que le point de vue du chef sur le compositeur n’a pas changé depuis hier : dans cette première partie, il propose à nouveau un Brahms fluide, tout en finesse et sans rupture. Plus à l’aise avec l’acoustique du lieu, la formation saxonne fait ressortir de la partition toute la palette de couleurs si spécifiques, faisant oublier quelques défauts de certains chefs de pupitre et rappelant que c’est surtout en son ensemble que cet orchestre est beau ; on peut trouver dans d’autres meilleurs cuivres, meilleurs bois, meilleures cordes – surtout lorsqu’est absent Sebastian Breuninger, le Konzertmeister –, mais rarement un tutti aussi remarquable.
Encore très percussif dans le premier mouvement, le pianiste s’adapte peu à peu à la sonorité globale et relâche son doigté dès le suivant (Scherzo : allegro appassionato) pour conclure parfaitement en phase dans un Allegretto grazioso dont on ne saurait aujourd’hui reprocher au chef de ne pas respecter les indications de Brahms.
Comme il fallait s’y attendre, la Symphonie en ré majeur Op.73 n°2 s’accorde beaucoup plus à la fluidité de Riccardo Chailly que la Première qui lui correspondait si peu. Tel Karajan avant lui, le Milanais pense les quatre symphonies comme un tout plutôt que de concevoir chacune séparément, vue à une période donnée de la vie du musicien ou dans une époque et un monde définis. Le court temps de composition de ces opus valide cette option, puisqu’il n’aura fallu que neuf ans à Johannes Brahms pour les écrire. Cette conception globale paraîtra toutefois plus cohérente pour certaines œuvres que pour d’autres, comme ce fut le cas il y a exactement deux ans dans Beethoven dont les Quatrième et Sixième symphonies s’adaptaient beaucoup plus à ce qu’y disait Chailly que les Troisième et Neuvième, par exemple. Cette marque – peut-être celles des plus grands qui, en s’appropriant une œuvre pour en donner une interprétation jamais entendue, assument de ne pas respecter son propos ou de ne pas en laisser découvrir la clé – provoque toutefois le risque que la fusion n’ait pas lieu (tout comme à l’opéra il arrive de se demander si c’est le metteur en scène qui sert l’ouvrage ou l’inverse).
Mais cette fois, Riccardo Chailly convainc dans cette Symphonie n°2 grâce à la souplesse du propos qui, en de nombreux aspects, rappelle Mendelssohn. Seul le quatrième mouvement renoue avec quelques modifications étonnantes de tempi n’apportant rien au discours, sans pour autant la dénaturer dans sa globalité.
Ce nouveau concert du cycle affirme des promesses qui demanderont à être tenues lors des deux prochains. Il est cependant déjà certain qu’un auditeur venu chercher ici une approche « classique » devra oublier ce qu’il entendit jusqu’à présent pour être capable d’apprécier ces interprétations.
VG