Chroniques

par vincent guillemin

Gewandhausorchester Leipzig
Brahms par Riccardo Chailly, dernier épisode

Concerto pour violon Op.77 – Symphonie Op.98 n°4
Salle Pleyel, Paris
- 2 novembre 2013
le cycle Brahms du Gewandhausorchester à Pleyel de conclut en apothéose
© dr

Le quatrième et dernier concert du cycle Brahms du Gewandhausorchester de Leipzig et de son directeur musical Riccardo Chailly aura certainement été le meilleur. Il conquiert définitivement le public de la Salle Pleyel.

Le Concerto pour violon en ré majeur Op.77 correspond parfaitement à la lecture toujours très fluide du chef italien, mais ce dernier semble avoir atténué le legato par rapport aux soirs précédents [lire notre chronique du 1er novembre 2013]. Les notes restent fort liées et Chailly propose toujours certains rubati personnels, mais les cordes sont plus tendues (peut-être aussi à cause d’une relative fatigue) et, moins imbriquées entre elles, les phrases respirent plus. En soliste, Leonidas Kavakos est non seulement irréprochable techniquement mais encore dans un grand soir en ce qui concerne l’inspiration. Il insuffle à l’œuvre un élan rarement entendu en concert, démontrant avec une exceptionnelle habileté qu’il est un des quelques artistes du parcours à maîtriser aussi facilement sa partie jusqu’en sa complexe cadence de l’Allegro initial. Aucun bis de sa part ne viendra perturber l’auditeur avant l’entracte.

En seconde partie, l’exécution de la Symphonie en mi mineur Op.98 n°4 n’égale pas tout à fait le niveau atteint dans le concerto, quoiqu’elle soit d’une efficacité rare. Par rapport aux trois premiers rendez-vous et plus que dans les autres symphonies, le chef limite là encore le legato et dessine des contours dynamiques précis emplis de lyrisme. Il faut rappeler qu’il a en main l’un des plus beaux orchestre du monde : plus appuyés, les archets marquent mieux qu’auparavant les attaques ; de même les percussions se font-elles plus sonores et plus sèches. Nous pouvions croire à une proposition similaire à celle des premières symphonies de Brahms, la Quatrième comme la Deuxième pouvant s’accommoder d’une légèreté proche d’un Mendelssohn [lire notre chronique du 27 octobre 2013], mais c’est une interprétation encore plus convaincante que nous écoutons, comme si le chef faisait une concession à son discours globalisant pour laisser à l’œuvre une véritable autonomie.

Au fil de ces quatre soirées, Riccardo Chailly a prouvé qu’il insère son regard propre à chaque opus, même lorsqu’il joue un compositeur aussi connu et aussi classique que Johannes Brahms. Il n’aura toutefois pas, comme dans son cycle Beethoven, complètement convaincu, intégrant certainement trop facilement les œuvres dans son discours et ne recherchant pas toujours à les comprendre indépendamment l’une de l’autre. L’orchestre a maintenant forgé sa sonorité en accord avec son directeur dont il se fait le plus formidable des outils. Les plus intéressés profiteront de ses concerts avec les Berliner Philharmoniker en décembre (Eine Faust-Sinfonie de Liszt in loco) et les Wiener Philharmoniker (Bruckner, en tournée) pour entendre ce qu’il réalise à la tête des meilleurs orchestres du monde.

VG