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Chroniques
Ghislieri Choir & Consort dirigé par Giulio Prandi
New Century Baroque dirigé par Leonardo García Alarcón
Dans un week-end riche de nombreuses manifestations, dont un admirable récital consacré à John Dowland par Damien Guillon, était proposé sous le titre d’Il divino Mozart un programme anthologique de la musique sacrée de Mozart composé de pages parfois méconnues, toutes écrites par le jeune homme à Salzbourg, alors artistiquement sous influence italienne. Il devenait alors passionnant d’y entendre le point de vue d’un ensemble ultramontain parfaitement informé par la musicologie contemporaine. Venu de Pavie et déjà responsable d’un très bel enregistrement d’œuvres de Galuppi, le jeune chef Giulio Prandi, à la tête de ses Ghislieri Choir & Consort, a opté pour une direction sobre, comme il convient à des pages destinées à la liturgie. Sans effets, donc, mais d’une grande subtilité. Il suffit d’entendre comme les voix solistes sortent de l’ensemble choral pour prendre leur essor. Dans un climat de jubilation collective, l’effectif nourri de quarante exécutants intensément impliqués manifeste une parfaite homogénéité, propre à magnifier la ferveur communicative de ces pages. Un Salve Regina de Michael Haydn, ami de Mozart à Salzbourg, complétait harmonieusement le programme.
Pour traiter des métamorphoses amoureuses dans les opéras de Händel, Ophélie Gaillard et son ensemble Pulcinella avaient choisi des extraits d’opéras, dont le très peu connu Ariana in Creta, en avant-propos à la cantate pastorale Apollo e Dafne. Tempo toujours juste, vitalité et précision, exécutions parfois virtuoses, comme dans le concerto de Geminiani tiré de La Follia de Corelli. On en dira autant des solistes, le soprano Aurore Bucher et le baryton Marc Mauillon, triomphant avec vaillance de la pyrotechnie vocale qu’exige Händel, et ornant brillamment les reprises variées des airs. On pourra seulement regretter que, privé du contexte de l’œuvre, de sa préparation et de sa résolution, chacun de ces airs n’apparaisse plus que comme un pezzo di bravura sans nécessité dramatique. Mais exécutée intégralement en deuxième partie, la cantate permettait d’apprécier l’évolution des deux personnages, les entreprises du séducteur Apollon éconduit par la farouche nymphe Daphné et la fin en catharsis.
Le temps le plus fort de ce week-end fut, pour un public si nombreux que le concert dut être redonné le lendemain, l’exécution du Requiem de Mozart. Nouveauté ? Oui, puisque c’était une version nouvelle qui en était proposée, minutieusement préparée par Leonardo García Alarcón. De ce Requiem, il n’existe en effet aucune partition réellement convaincante, dans la mesure où l’on ignore la part exacte prise par Süssmayer dans son achèvement. Ce que lui a dit ou dicté le compositeur, ce qu’il a pu utiliser d’éventuelles notes manuscrites nous est inconnu. Une certitude, cependant : deux morceaux sont exclusivement de la main de l’élève, Sanctus et Benedictus, ce que dénotent une invention et une facture assurément très inférieures au génie de Mozart. Pourquoi donc les jouer, en dehors des nécessités d’une liturgie ? Par ailleurs, dans une nouvelle édition publiée en 2005, le musicologue Franz Beyer a retouché l’instrumentation parfois maladroite de Süssmayer, pressé par le temps, dans les pages où Mozart n’avait noté que les parties vocales. Enfin, on a retrouvé à Berlin en 1960 un bref mais impressionnant Amen fugué dont tout porte à croire non seulement qu’il est bien de Mozart, mais qu’il était destiné à conclure le Lacrimosa du Requiem.
C’est donc une version différente mais hautement convaincante que présentaient l’ensemble New Century Baroque et le Chœur de chambre de Namur, avec un remarquable plateau de solistes : Lucy Hall, Angélique Noldus, Hui Jun et Josef Wagner. La direction inspirée du jeune chef charismatique Leonardo García Alarcón met l’accent sur le dramatisme de l’œuvre, sur son urgence, celle d’un Mozart harassé de travail, passionné par la tâche à accomplir et bientôt assuré de sa fin prochaine. Articulation, justesse, extrême précision sont exaltées par une tension constante et de très importantes nuances de dynamique, de la douceur du plus modeste recueillement aux hallucinants éclats suscités par le jour de colère.
Excellente idée que de faire précéder l’exécution du Requiem par celle du Concerto pour clarinette, dernière grande partition achevée par Mozart alors précisément que le Requiem est en chantier. Optant légitimement pour le cor de basset, Benjamin Dieltjens a entonné ce sublime hymne à la fraternité avec une tendresse et une pudeur bouleversantes, murmurant sa confidence dans l’Adagio et s’envolant dans le Rondo final en oiseau ivre de liberté. Ces deux œuvres ont été enregistrées pour un disque à paraître sous le label Ambronay dans le courant de l’année 2013.
GC