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Chroniques
Gil Shaham joue William Walton
lyrique XXe siècle par l’Orchestre de Paris
C’est au premier vingtième siècle qu’emprunte le programme de cette soirée, avec une symphonie de guerre de Prokofiev, un concerto presque contemporain de Walton et un tableau symphonique conçut à son aube (1899) par Sibelius. Le chef finlandais Sakari Oramo ayant dû décliner la direction de ce concert, il revient à Yoel Levi, l’actuel patron de l’Orchestre national d’Île-de-France, de l’assurer, ce qu’il fait avec le mérite de ne rien changer au programme initialement prévu.
Passons vite sur un Finlandia du plus lourd qu’on n’ait jamais rencontré, et attardons-nous bien plutôt sur le Concerto pour violon et orchestre en si mineur du Britannique William Walton, une page qui rencontrait un grand succès à sa création – en décembre 1939 par Jasha Heifetz et Artur Rodziński à la tête de l’Orchestre de Cleveland in loco. Si l’Orchestre de Paris le joue ce soir pour la première fois, Gil Shaham le défend avec enthousiasme, comme d’autres partitions assez peu fréquentées par nos salles. À l’Andante tranquillo, le soliste accorde une étonnante sensualité de phrasé à laquelle se soumet avantageusement le chef. Mais ce violon-là, pour être charmeur, s’avère délicat, qualité dont use sa suavité irrésistible, ce qui induit un soin précis des équilibres : c’est là que blesse le bât, Levi laissant trop éclater les interventions de bois, notamment, sans parler des effets de masse. Le retour du thème tendre bénéficie d’un archet exquisément coloré et d’une souple lumière. L’influence méditerranéenne s’affirme dans le mouvement médian – c’est à Ravello que William Walton écrivit cette œuvre –, Presto capriccioso alla napolitana, où se révèle un intéressant travail timbrique de l’orchestre, dans la danse molle et séductrice du violon. Après la rogne des contrebasses en début de Vivace final, les doubles-cordes du soliste trouvent à s’envoler irrésistiblement, avec une grâce indicible qui sert au mieux le lyrisme un brin verbeux de cet opus.
Cinq ans plus tard, Sergueï Prokofiev signait sa vaste Symphonie en si bémol majeur Op.100 n°5 dont il dirigerait lui-même la première en janvier 1945 à Moscou. La conduite de Yoel Levi semblera plus heureuse, cette fois, jouant de contrastes stimulants dans l’Andante, avec des cordes particulièrement en forme, ce soir, et principalement un pupitre de violoncelles de toute beauté. Fermement vigoureux, l’orchestre magnifie l’Allegro marcato dont la montée finale est rondement menée. Dans une sonorité pléthorique s’élève l’Adagio suivant, un moment qui tout soudain impose à l’écoute son émotion. Le dernier mouvement n’y déroge pas : tour à tour tendre, sombre, virevoltant furieusement ou fuguant un choral d’allure religieuse, cet Allegro giocoso triomphant emporte les suffrages.
BB