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Chroniques
Giulio Cesare in Egitto | Jules César en Égypte
opéra de Georg Friedrich Händel
Vingt ans après Almira (1705), son premier opéra donné à Hambourg, Händel fait représenter Giulio Cesare in Egitto – dont le livret, signé Nicola Francesco Haym, s’inspire de celui que Bussani proposa au Vénitien Sartorio, à la fin du siècle précédent. Installé dans la capitale anglaise qui abriterait jusqu’en 1741 la création de tant d’autres ouvrages lyriques, le natif de Halle vit une situation que résume parfaitement Romain Rolland, le décrivant « harcelé par les cabales, traqué par la faillite, usant son génie […] à la tâche paradoxale de faire pousser à Londres un opéra italien, rachitique, étiolé, qui ne pouvait vivre dans un sol et un climat qui n’étaient pas faits pour lui ». Dans cette guerre de longue haleine dont Händel sortirait victorieux, Giulio Cesare est une bataille cruciale puisque, ce 20 février 1724, le public du Haymarket Theatre découvre avec enthousiasme une des œuvres les plus mélodieuses et dramatiques du Saxon.
Conquérant les maisons de par le monde tel un Romain les territoires, Laurent Pelly semble à jamais couronné de laurier. Malheureusement, une carrière se fait aussi en trébuchant sur le tapis rouge. Disons-le tout de go : sa mise en scène est une insulte à l’intelligence. Que les personnages historiques jaillissent d’un entrepôt d’antiquités (réserve de musée ? de boutique ?) où la pierre taillée est manipulée en continu par des magasiniers, est une idée qui s’épuise vite. Un travail théâtral profond peut autoriser le retour de la toile peinte, mais jamais une accumulation de jouets coûteux remuer les cœurs, sinon les consciences. Réservons les jolis sarcophages aux momies, mais pas au public de chair et de sang – et qui le fait savoir, à l’occasion.
Ainsi gémit-il quand il craint que Natalie Dessay, annoncée souffrante comme sa consœur Isabel Leonard (Sesto), ne fasse pas résonner sa voix aujourd’hui ; il applaudit quand on le rassure sur la participation chantée de la diva, quitte à en avoir les oreilles malmenées. En définitive, le timbre du soprano reste magnifique, mais l’épuisement ne permet pas d’envisager le troisième acte, dans une énième composition de femme-enfant – nouveaux gémissements... C’est donc avec une grande élégance que Dessay, aux saluts, se tient en retrait de Jane Archibald – qui ne devait incarner Cleopatra qu’à partir du 10 février, et la remplacera de nouveau les 27 et 29 janvier.
Rarement une distribution aura autant déçu. Inégal, Lawrence Zazzo (rôle-titre) s’avère délicat et agile, mais aussi manquant d’espace. Christophe Dumaux (Tolemeo) se montre brillant et vif, même si souvent étroit. Nathan Berg (Achilla) est une basse sonore, un bon moment caverneuse. Enfin Dominique Visse (Nireno, comme en 1987, sur cette même scène) s’affirme on ne peu plus pinchard. Il reste à saluer le mezzo ample et moelleux de Varduhi Abrahamyan (Cornelia) – récent Arsace rossinien [lire notre chronique du 26 novembre 2010] –, l’efficace Marina Comparato doublant Sesto à l’avant-scène, ainsi qu’Aimery Lefèvre (Curio), baryton solide. En fosse, Emmanuelle Haïm nuance son Orchestre du Concert d’Astrée, un rien monochrome.
LB