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Chroniques
Giulio Cesare in Egitto | Jules César en Égypte
opéra de Georg Friedrich Händel
Le début du traditionnel Cycle Händel de l’avenue Montaigne s’ouvre, cette semaine, par l’un des plus célèbres ouvrages du Saxon, Giulio Cesare in Egitto, dans une nouvelle production maison donnée cinq fois. Si la Sinfonia convainc dès l’abord, conduite avec une fermeté électrisante par un Christophe Rousset leste qui n’aura de cesse de tendre l’action depuis la fosse, il n’en est pas de même de la mise en scène d’Irina Brook.
Outre que le public se trouve une nouvelle fois confronté à une profusion de gestes, de gags, d’installations et de déménagements venant comme meubler une situation dont la musique se suffit à elle-même, il constatera l’irrecevable vulgarité d’une lecture à reposer sur une suite de vagues trouvailles d’une affligeante futilité, une lecture accusant plusieurs contresens – dont n’est pas des moindres celui qui prévaut à la conception du rôle de Tolomeo : dans un sujet antique, les mots effeminato amante ne désignent absolument pas l’homosexualité mais bien au contraire un homme qui sans cesse recherche le plaisir et la compagnie des femmes – qui révèlent une inculture inquiétante chez un créateur prétendant se pencher sur une œuvre. Au regard de plusieurs réalisations récentes de cet ouvrage, il semble que nombre d’entre eux se soient fourvoyés. Et si l’on tentait simplement de s’atteler à une véritable direction d’acteurs qui prendrait le drame au premier degré, quitte à en intégrer le déroulement dans une scénographie plus inventive ?…
À la déception d’une mise en scène inutile s’associe celle d’une distribution assez inégale dont les choix sont parfois peu justifiables. Dans l’ensemble, on remarque de gros soucis de justesse chez presque tous les chanteurs. N’accusons pas tout un plateau de chanter faux ! Concluons plutôt que le cast soit maladroit, tout en relevant une direction ferme qui ne facilite pas la tâche.
Si Renaud Delaigue s’acquitte honorablement du bref rôle de Curio, il en va de même du Nireno de Damien Guillon au chant souplement mené. Moins certains s’avèrent les récitatifs de Mario Cassi qui, par ailleurs, campe un Achilla attachant et crédible ; la voix est généreusement projetée, c’est indéniable, vaillante la prestation, mais la tessiture soulève quelques doutes que souligne l’instabilité du bas-médium. Les soupirs et autres effets plus ou moins minaudiers de la Cleopatra de Rosemary Joshua ne cachent guère un placement vocal inégal qui en contrarie souvent l’impact. Si certains choix de passages entre le falsetto et la poitrine séduisent lors des premières interventions de Franco Fagioli, l’absence de nuance, tant dans le chant que dans le jeu, l’incurie de la diction et les multiples imprécisions de hauteur discréditent cruellement son Tolomeo.
De cette représentation gardons en souvenir trois artistes. Andreas Scholl, bien que sur-distribué dans le rôle-titre qui réclame un autre format vocal, dispense un chant d’une grande élégance, même vocalises et ornements n’ont pas ce soir le lustre de son Giulio d’il y a quatre ans (Copenhague). Alice Coote donne un Sesto d’abord un rien propret qu’elle libère peu à peu. Sonia Prina, enfin, n’a peut-être pas le contralto de Cornelia – la chanteuse italienne serait plutôt un grand mezzo avec un beau grave –, mais elle livre convaincante, tant dramatiquement que vocalement, grâce à une riche couleur, une belle intelligence du chant, une sensibilité et un vrai sens de la scène.
BB