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Chroniques
Golem
opéra de John Casken
Dans le bestiaire fantastique, bien avant les zombis de Romero ou la créature de Mary Shelley, le golem occupait la place dévolue aux monstres humanoïdes, tirés du néant le temps d’un éclair de foudre ou d’une explosion nucléaire. Ces histoires existent depuis des centaines d’années et, comme le rappelle le compositeur John Casken – dont le héros espère en Omen un bouclier –, « voient le jour au sein de communautés qui se sentent menacées et éprouvent le besoin de se forger l’image d’un rédempteur ». La version la plus connue de la légende nous emmène dans la communauté juive d’une Prague seicento où, à partir d’un tas d’argile et grâce au pouvoir du Kabbalah, un savant respectable crée un homme invincible censé protéger les plus faibles et obéir sans broncher.
De nombreuses sources religieuses et profanes ont conduit Casken et Pierre Audi à l’écriture du livret, articulé en deux parties. Lors de Prélude, le Maharal vieillissant, tourmenté par des spectres, se souvient de la catastrophe que fut la création d’un golem qui échappa lentement à son contrôle. Dans Légende, cinq tableaux montrent les étapes d’une émancipation liée à la curiosité et au désir, laquelle déplaît fortement au maître : la rencontre de Miriam, occupée à laver ses draps, celle d’Ometh, figure prométhéenne blessée qui souhaite l’aide d’Omen pour débarrasser l’humanité du mal qui la ronge, celle enfin d’un groupe de railleurs au sein duquel l’innocent Stoïkus est tué.
Donné pour la première fois à l’Almeida Theater de Londres le 28 juin 1989, l’ouvrage écrit pour orchestre de chambre favorise les vents, les cuivres et la percussion, plutôt que les cordes. Une bande préenregistrée s’y ajoute, sans encombrer un langage voué à la clarté et à la sobriété que défend efficacement Philippe Nahon à la tête de son ensemble Ars Nova. La mise en scène de Jean Boillot est malheureusement gâchée par une scénographie qui, mêlant éléments contemporains (chambre d’hôpital, imagerie médicale géante) et légendaires (promontoire rocheux, pont de bois, etc.), offre un trop-plein visuel dispensable. Avec Ivan Mathis aux commandes, la lumière aurait pu suffire à valoriser la cohabitation de ces deux univers temporels.
Pour sa création française, Golem jouit d’une belle distribution vocale, principalement avec Armando Noguera qui incarne un Maharal au chant souple, au timbre rond, aux pianissimi délicats. De Jean-Loup Pagesy, dans un autre ouvrage contemporain, nous gardions un souvenir mitigé [lire notre chronique du 23 septembre 2006] : ici, il s’avère un chanteur sonore et nuancé qui rend expressif et attachant son personnage masqué. En Miriam, Helen Kearn se révèle un honnête soprano, tandis que l’Ometh du contre-ténor Tim Mead ne manque pas de santé. Après Rennes et Nantes, Angers aura la chance d’accueillir cette œuvre qui repose de la routine lyrique sans « être inaccessible au plus grand nombre ».
LB