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Guerras do Alecrim e Mangerona
Les guerres du romarin et de la marjolaine
Les guerres du romarin et de la marjolaineest une des rares tentatives, à l’époque baroque de créer un théâtre musical typiquement portugais. Représenté au théâtre du Bairro Alto à l’occasion du carnaval de Lisbonne 1737, cet opéra-comique en trois actes doit son livret à António José da Silva (1705-1739) et sa musique à António Teixeira(1707-1769), lequel revient d’un séjour de douze ans à Rome où il reçut une éducation musicale complète qui l’imprégna du style italien.
Entre 1733 et 1739, année où la Sainte Inquisition fera brûler da Silva à cause de son origine juive, on doit aux deux créateurs les derniers opéras en langue locale, farces parodiques et satiriques qui laissent beaucoup de place à la marionnette de taille humaine. Exhumé de la Bibliothèque de Lisbonne par Miriam Ruggeri et Xavier Julien-Laferrière avec l’aide du Professeur Manuel Carlos de Brito, chef du département de musicologie, cet opus est à nouveau proposé au public dans son intégralité, avec une nouvelle traduction (Ana Corte Real et Pierre Léglise-Costa).
Deux cousines se laissent courtiser par deux galants et leur donnent en guise d’encouragement l’une un bouquet de romarin, l’autre un de marjolaine. Grâce aux ruses de leur serviteur Baindesiège, archétype du valet rusé qui se sert au passage, les deux gentilshommes essayent de déjouer la surveillance de l’oncle Don Lancelot, barbon qui a promit l’une de ses nièces au neveu Tiburce. Escalade de façade en pleine nuit, dissimulation au fond d’une malle ou d’un poulailler, retour au grand jour sous le déguisement de doctes médecins, les situations rocambolesques ne manquent pas pour atteindre leur but. L’amour triomphera des embûches et Baindesiège lui-même pourra prétendre aux faveurs de la servante Sévadille.
Six rôles sont chantés sur les huit que nécessite l’intrigue. Tous n’ont pas le niveau professionnel du soprano Miriam Ruggeri qui a derrière elle une belle carrière scénique et discographique (Les Indes galantes, Orfeo, Così fan tutte, etc.) : soit le timbre est beau et le chant confidentiel, soit il y a la puissance mais qui s’accompagne de problèmes de clarté et de justesse. On exceptera Matthieu Cabanes (Don Fuas) ; bien qu’un peu nasillard, le ténor apporte une émotion qui fait souvent défaut alentours. Xavier Julien-Laferrière dirige l’Atelier Musical du Centre (ensemble de chambre à géométrie variable qu’il a créé), laissant ses musiciens se mêler épisodiquement à l’action, avec miaulements et hululements (dommage que les bois soient moins présents que les cuivres…).
Bruno Streiff, ancien assistant au Salzburger Festspiele et à l’Opéra national de Paris, a pu compter sur certains de ses camarades pour faire oublier une absence de décor un peu glaçante au début, mais justifiable par les incessants changements de lieux et compensée par de magnifiques costumes. On retiendra l’espiègle Miriam Ruggeri déjà évoquée (Sévadille), le bouffon Matthieu de Laubier (Baindesiège), le tordant Marc Jeancourt (Don Tiburce) et la savoureuse Gyslaine Droulle (la servante Segundes) dont la composition excellente jamais ne tombe dans la caricature.
LB