Chroniques

par richard letawe

Guy van Waas et ses Agrémens
œuvres de Gossec, Haydn, Kraus et Mozart

Les nuits de septembre / Salle Philharmonique, Liège
- 9 septembre 2007
Gossec, Haydn, Kraus et Mozart par Guy van Waas et Les Agrémens à Liège
© jacques verrees

Cette année, Les nuits de septembre ont pour thème Musiques en voyage. C'est assez flou, un peu fourre-tout ; on a du mal à trouver le lien unissant des concerts consacrés hier à la musique de scène nordique [lire notre chronique de la veille], aujourd'hui à la symphonie à Paris au XVIIIe siècle, demain aux madrigaux à Buenos Aires ou encore à Pergolèse. Le public ne semble guère s'y retrouver, boudant littéralement le concert de ce dimanche soir dont le programme très classique n'a pourtant pas de quoi effaroucher les plus tièdes. C'est donc devant une salle vide aux trois quarts (évoquant plutôt un concert de musique expérimentale) que se produisent Les Agrémens, orchestre baroque de la Communauté française de Belgique, sous la direction de Guy van Waas.

Le programme commence par la Symphonie en ré majeur de Joseph Martin Kraus, œuvre en trois mouvements, éditée à Paris en 1786 sous le nom de… Joseph Haydn ! Il n'est pas étonnant que l'éditeur ait utilisé ce subterfuge pour mieux vendre la partition, car Kraus et Haydn, qui se sont rencontrés à Vienne, ont de nombreux points communs, comme le goût pour l'expérimentation, les contrastes, les surprises, et la profonde influence du mouvement Sturm und drang se traduisant dans leur style par des brusqueries, une certaines raideur parfois, et des passages noirs et caustiques.

Cette symphonie débute par un Allegro énergique, au charme mélodique limité, mais plein de tempérament, et aux effets sonores inventifs. Il est suivi par un Andante un poco largo qui semble sorti de la plume d’Haydn : une marche à variations, dans une atmosphère assez inquiète, et au caractère plus actif que lyrique, ce qui est proche des mouvements lents des quatre-vingt-troisième et quatre-vingt-cinquième symphonies. L'orchestration reste sobre : les cordes, le basson et une flûte, à laquelle sont réservées des interventions fort élaborées et très poétiques. Le dernier mouvement est plutôt déconcertant, avec sa facture morcelée, ses changements fréquents de rythme et ses mélodies difficiles à cerner. D'aspect un peu brouillon et emporté, il contient presque assez d'idées pour faire le finale de plusieurs symphonies.

Suit le Concerto en sol majeur pour flûte K.313 n°1 de Mozart, dans une interprétation peu attrayante. Auparavant pleins de vie et de flamme, Les Agrémens semblent tout à fait éteints, et proposent un Mozart flapi, anguleux et terne. Le flûtiste Michaël Schmidt Karsdorf, si brillant dans la première œuvre au programme, est ici très doux mais surtout trop discret, à la limite de la pâleur. François-Joseph Gossec est le troisième compositeur de la soirée. Ce prolifique auteur de symphonies est illustré par la Suite tirée des airs de ballet de sa tragédie lyrique Sabinus (1773). Cette Suite constitue un moment de détente agréable, malgré quelques longueurs. On en retient une orchestration variée, subtile même, et des rythmes pittoresques et divertissants.

Le concert se termine par la Symphonie en si bémol majeur Hob.I: 85 de Haydn, intitulée La Reine en hommage à Marie-Antoinette dont c'était la préférée parmi les symphonies parisiennes de son auteur. Guy van Waas et son orchestre en réalisent une belle exécution, à laquelle le petit effectif et les instruments anciens donnent saveur sonore et lisibilité. Le premier mouvement est un peu sec et crispé, mais la suite est de toute beauté, avec un mouvement lent tout simplement parfait, au tempo juste et admirablement respiré, ainsi qu'aux phrasés simples et fermes. Le menuet est élégant, ni trop rustique ni affecté, le finale est mené rapidement, avec beaucoup de classe.

Malgré un concerto de Mozart passablement raté, ce moment aurait mérité une meilleure affluence. Les mélomanes liégeois pourront se rattraper à la fin de ce mois avec la venue du Concerto Köln qui présentera un programme assez proche, dont la Symphonie « La Poule » de Haydn.

RL