Chroniques

par bertrand bolognesi

Händel et Vivaldi
cantates italiennes par Lawrence Zazzo

Concerts Parisiens / Salle Gaveau, Paris
- 19 novembre 2007
Lawrence Zazzo chante les cantates romaines à Gaveau (Paris)
© richard pohle

C'est avec beaucoup de plaisir que l'on retrouve le contreténor pennsylvanien dans deux cantates, l'une d'un Vénitien fait Viennois sur ses vieux jours, l'autre d'un Saxon rapportant d'un séjour romain un art qu'il développe en Albion. Chaque partie de ce récital compte trois actes : cantate, sonate et extraits d'un opéra seria. Aux pupitres, les solistes du Cercle de l'Harmonie, orchestre fondé il y a deux ans par le jeune Jérémie Rohrer en hommage à la formation éponyme avec laquelle le Chevalier Bologne de Saint-George servit la musique de son temps.

Les pièces strictement instrumentales bénéficient d'exécutions plutôt satisfaisantes. Ainsi la Sonate pour violon et basse continue Op.2 n°3 d'Antonio Vivaldi dont le Prélude est souplement articulé. Si l'on remarque un souci d'équilibre dans la Courante avec son clavecin qui paraît presque absent (le chant du violon s'en trouve d'autant valorisé, mais on perd une certaine dimension harmonique), l'Adagio s'impose en élégance, tandis que la Gigue s'avère sainement menée. Une respiration inspirée aborde le premier mouvement de la Sonate pour violon et basse continue en ré mineur HWV 359a de Georg Friedrich Händel où lumineuses se font les attaques du soliste. Avec un Allegro cordial et vif, un bref Adagio récitant, déposé dans une inflexion subtilement alanguie, enfin un final qui marie étonnamment une indéniable fluidité à une accentuation charpentée, Julien Chauvin et ses acolytes ne déméritent pas.

On regrette néanmoins un trop peu fiable travail d'accompagnement des parties chantées. Tous les passages réclamant la tonicité accusent des aléas de justesse, des heurts disgracieux, les forte sont systématiquement écrasés, sans trop parler d'un alto obstinément approximatif dans l'air de Marziano (troisième acte de l'Atenaide). Quoiqu'y goûtant tout de même certains traits de violoncelle, l'on s'étonne de fragilités antagonistes avec les qualités constatées plus haut.

Dès le premier récitatif de la Cantate RV.684 « Cessate, omai cessate » de Vivaldi, l'art de Lawrence Zazzo affirme une attaque franche, soignée sans maniérisme superflu, un timbre résolument expressif. L'air Ah, ch'infelice sempre rencontre un legato nourri puis une vocalise exquisément conduite. Après un couplet délicatement nuancé, le da capo s'agrémente de variations et ornements imaginatifs, osant des graves contrastés. En parfaite adéquation avec l'option de couleur des instrumentistes, le chanteur joue sur le souffle et le soupir au début de l'arioso, livrant pour finir un air (Nell'orrido albergo) d'une belle vaillance. Malgré une légère sécheresse engendrant une « mésaccroche » du grain vocal – effet pervers d'une climatisation quelque peu féroce, peut-être ? –, l'artiste donne avec brio la Cantate HWV 175 « Vedendo amor » de Händel dans une grande fermeté d'intonation. L'air Rise Eurilla, rise amore gagne beaucoup d'esprit, confirmé par la suspension finale d'un récitatif gentiment joueur.

Voyageant dans deux des personnages de l'Atenaide (Vivaldi), Lawrence Zazzo chante un Cor mio che prigion (Marziano, Acte III) d'une grande et belle simplicité, jusqu'aux quatre derniers vers rendus bouleversants par une remarquable concentration de l'émotion. De fait, pas une mouche ne vole sous le plafond de Gaveau, chaque oreille se suspendant à ses mots. De la partie de Varane, il vocalise tout en légèreté Parto, che so dont il timbre plus solidement le couplet, et virevolte aisément dans le spectaculaire Nel profundo cieco mondo qui, en hiver 1728, emprunte à l'Orlando furioso de l'automne précédent.

Deux airs de Radamisto (Händel) concluent ce rendez-vous. Le vaillant Vile ! Se mi dai vita (Acte III) dont l'interprétation investit dramatiquement la virtuosité, et, juste avant – sommet incontestable de ce récital ! –, un Ombra cara di mia sposa (II) saisissant d'émotion, lamento chanté comme une prière, sereine et ferme promesse de vengeance.

BB