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Chroniques
Haagse Courante
Vivaldi et ses contemporains
Ambronay consacre cinq semaines de concerts à une vaste fête vivaldienne fort enthousiasmante : l’occasion rêvée de faire entendre quelques compositeurs qui connurent le maître, furent influencés par son travail ou s’en trouvèrent rivaux, et d’approfondir ainsi notre connaissance du style italien en général, à travers les écoles romaine et vénitienne. Le jeune ensemble Haagse Courante propose cet après-midi un programme intelligemment construit qu’ouvre la Sonate en la mineur Op.6 de Tommaso Albinoni dont est joliment mis en relief l’élégant dialogue du second mouvement, rappelant, si besoin était, les qualités expressives rencontrées dans la musique du compositeur qui réalisa des pages d’une belle inventivité (voire ses Opus 9 et 7, par exemple). Si les interventions du clavecin paraissent manquer de souplesse sur cette pièce, un jeu plus respiré vient soutenir la suite du menu dès la Sonate en mi mineur RV50 du Prete lui-même –dit l’affiche, avis qui n’est pas partagé par tous les spécialistes : certains affirment que l’œuvre est bel et bien de Vivaldi, d’autres précisent que l’indication pour flûte traversière sur la partition et un style à l’évidence plus galant incitent à dater cette page du troisième quart du XVIIIe siècle, une bonne vingtaine d’années après la mort de son auteur présumé, ce à quoi des partisans pourront opposer l’idée que Vivaldi aurait eu, à la fin de sa vie, l’intuition des innovations futures... Bref, toujours est-il que cette sonate est ici donnée sur flûte à bec, ornant çà et là, avec une jubilation un brin mélancolique.
Marion Fermé joue ensuite une lecture pour clavecin par Bach (BWV974) d’un Concerto pour hautbois d’Alessandro Marcello, l’aîné du célèbre Benedetto dont la rivalité avec le prêtre fut brillamment évoquée par Roger-Claude Travers lors de la passionnante conférence prononcée le jour même. On doit à la jeune musicienne une interprétation sensible, nuancée (trichant ce qu’il faut sur le tactus pour simuler la variabilité d’intensité) et sainement articulée. En revanche, l’exécution de la Sonate IV en la mineur du napolitain Francesco Mancini accuse des approximations déroutantes, tant dans le temps que dans la hauteur ; c’est bizarrement le quatrième mouvement, c’est-à-dire le plus difficile, qui se trouve le mieux honoré, par des échanges virtuoses.
Après une courte pause, l’une des somptueuses Sonates pour flûte et basse continue Op.2 (publiées en 1732) de Pietro Locatelli bénéficie d’une lecture judicieusement aérée, sur le modèle du recitativo, amenant la délicate mélodie du Largo avec évidence, dans une vraie générosité sonore dont on félicitera Véronique Barbot. Nous apprécions moins l’interprétation assez lourde, voire marquée, de la Sonate en si écrite dans les mêmes années par le hautboïste du King’s Theater, participant à ce titre à la création de nombreux opéras de Händel à Londres, le Milanais Giuseppe Sammartini, dont l’œuvre deviendra nettement plus intéressante une quinzaine d’années plus tard. De même est-on déçu par l’inefficace gymnastique de Lucas Guimarães, s’évertuant à jouer à la viole la Sonate en si pour violoncelle de Vivaldi.
Prenant congé avec brio, Haagse Courante termine ce rendez-vous avec les célèbres dix-sept variations de La Follia d’après une chanson portugaise, composées à Venise par Paolo Benedetto Bellinzani. On pourra conclure que malgré des maladresses cetensemble est extrêmement prometteur, défendant son répertoire avec un bel engagement qui bientôt pourra se prévaloir d’une meilleure maîtrise avec un peu plus de métier.
BB