Recherche
Chroniques
hommage à Samuel Beckett
Morton Feldman et Pascal Dusapin
Comme James Joyce en son temps, l’Irlandais Beckett a bousculé les codes de l’expression littéraire. Pour le Centre Pompidou, célébrer aujourd’hui le centenaire de sa naissance est l’occasion de faire découvrir la diversité de sa prose, ses relations avec l’espace, le corps et la voix, mais aussi de rappeler qu’outre les nombreux successeurs de Blin et Barrault, des compositeurs se sont intéressés à un univers longtemps associé à l’absurde ou à l’existentialisme.
Morton Feldman est le plus connu, sans doute parce qu’il rencontra Beckett à Berlin en 1976 et qu’il s’ensuivit plusieurs œuvres, telles Words and Music, créée le 10 mars 1987, à New York. Le texte original (1962) portait déjà en italique de nombreuses indications musicales, concernant notamment l’intensité souhaitée. L’Américain explique sa confrontation avec une langue qui hésite « comme si elle dégringolait d’un escalier. J’ai donc essayé d’élaborer la quintessence du matériau et de présenter l’ensemble de manière plus fragmentaire. Ma musique a atteint un point d’abstraction tel qu’il contient une ambiance et reste identique, mais cette ambiance a quelque chose à voir avec des images instrumentales. Il faut donc voir chaque élément de manière séparée ». Élèves de Vitez, les comédiens Jean-Claude Leguay et Grégoire Oestermann ne manquent pas de métier, mais on se demande pourquoi le monde mélancolique-humoristique de l’écrivain est systématiquement abordé par des cinquantenaires, pourquoi de jeunes talents ne viennent pas dynamiser (voire dynamiter) une modernité qui tourne à l’académisme, entretenu à coups de trucs éculés et d’expressions attendues.
Si l’intervention du texte est moins geignarde sur l’œuvre de Jérôme Combier qui ouvre la soirée, la déception y est équivalente. Création mondiale d’un petit quart d’heure, Noir gris se veut « un événementartistique intégrant le texte d’Impromptu d’Ohioqui puisse à la fois être donné dans une salle d’exposition et jouée en concert ». Dans cette expérience de la forme et du temps, où pizzicati et autre chocs du poing sur la table viennent briser l’élan lyrique amorcé par la violoniste Hae-Sun Kang, l’altiste Odile Auboin et le violoncelliste Éric-Maria Couturier, les passages parlés et musicaux se succèdent assez platement – manque-t-il le dispositif vidéo prévu au projet ? – et peinent à passionner.
C’est finalement Quad, l’œuvre In memoriam Gilles Deleuze de Pascal Dusapin, qui constitue la bonne surprise, au cœur du programme. Créé il y a dix ans, presque jour pour jour (12 mars 1997), ce concertino pour violon permet de mettre en valeur le jeu concentré de Jeanne-Marie Conquer, la direction attentive de Susanna Mälkki à la tête de l’Ensemble Intercontemporain.
LB