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Chroniques
Huitième de Mahler par Myung-Whun Chung
Chœur, Maîtrise et Orchestre Philharmonique de Radio France
Huitième et avant-dernier rendez-vous de l'intégrale Gustav Mahler par maestro Chung à la tête de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, la Symphonie en mi bémol majeur n°8 retentit pour deux soirs dans la nef de la nécropole royale. L'effectif qu'elle convoque est si copieux, la masse orchestrale tant épaisse et l'acoustique des lieux à ce point réverbérante que l'on pourrait bien se demander si les deux soirs ne finiront pas par sonner huit jours durant… Réunissant une distribution judicieusement choisie qu'il associe au Chœur et à la Maîtrise de Radio France ainsi qu'au Wiener Singverein, Myung-Whun Chung tente l'impossible en dirigeant l'œuvre ici plutôt qu'à la maison ronde. Si l'orgue trouve d’emblée la majesté idéale pour ouvrir le Veni creator spiritus, l'entrée du chœur, et bientôt de tout l'orchestre, pose de sérieux problèmes. Les nombreuses lignes que croise cette écriture se mêlent dans une confusion désastreuse où l'oreille ne trouve aucun chemin. C'est dommage, car indéniablement le peu qui se laisse percevoir de la prestation des chanteurs donne envie d'aller plus loin. La Scène de Faust est moins malmenée, car la Basilique est plus clémente avec la nuance générale moins orgiaque de cette partie. On en peut plus précisément goûter les voix.
Si Dietrich Henschel accuse quelques soucis au fil d’un chant systématiquement tendu qui parvient peu à se faire entendre malgré un visible effort, le ténor Stephen Gould semble ici dans son élément, offrant une vocalité extrêmement vaillante qui cependant oublie de s'intéresser au texte. L'organe de Ricarda Merbeth arbore lui aussi un format inadapté, tandis qu’Henriette Bonde-Hansen tire son épingle du jeu, placée en hauteur, près de l'orgue ; aussi brève soit-elle, son intervention domine la masse qui, par un phénomène acoustique particulier, s'élève différemment, de sorte qu'elle laisse fuser le timbre depuis ces hauteurs sans nous priver de ses moindres délicatesses. Parmi les créatures terrestres, trois chanteuses finissent par trouver un équilibre : Soile Isokoski, dans une sonorité générale qui toutefois s'acidifie étrangement, Lioba Braun qui affirme une généreuse joie du chant, et le mezzo-soprano Petra Lang qui dit vraiment le poème tout en le colorant d'une nuance ténébreuse. De son côté, Albert Dohmen semble un peu perdu dans un brouhaha dont le public imagine mal le rendu sur scène ; avec la projection puissante qu'on lui connaît, il lance les phrases à l'aveugle, donc pas toujours le plus gracieusement qui soit.
On ne saurait à peu près rien dire du travail de l'orchestre et du chœur tant le chaos en masque les raffinements. De tous ces artistes, nul n'est en cause, de même qu'on ne reprochera point à la Basilique de sonner comme elle sonne. Interrogeons-nous, toutefois, sur la logique festivalière qui place en premier lieu l’événement et son accroche patrimoniale en dépit d’une contingence suffisante à gâcher tant de bonne volonté, d'énergie et de talent.
BB