Chroniques

par gérard corneloup

I puritani | Les puritains
opéra de Vincenzo Bellini (version de concert)

Opéra national de Lyon
- 18 novembre 2012
le chef italien Evelino Pidó dirige I puritani (Bellini) à Lyon
© dr

Voilà une soirée à marquer d’une pierre blanche, une soirée, en principe « réduite » à la seule audition d’un opéra en version de concert, c'est-à-dire dépourvu de sa (fondamentale) composante dramatique et scénique ; mais une soirée de véritable plaisir musical, de joie intense à la seule écoute des notes chantées et jouées. Des raisons sont sans doute à avancer pour expliquer ce phénomène finalement assez rare, à commencer par la qualité de l’exécution, tant musicale et vocale, et le choix d’un excellent chef qui maîtrise parfaitement ce répertoire, le dirigeant mais aussi le vivant de l’intérieur, en communiquant la consistance et la saveur à tous les interprètes.

Encore convient-il de choisir le bon chef pour le bon répertoire – question de spécialité : un peu comme dans la gastronomie, dont Lyon se veut l’un des pôles. Un maestro découpant avec soin le monde de Stravinski et de Chostakovitch peut se révéler incapable de se plonger vraiment dans celui, bien dissemblable, de Massenet (par exemple Werther) et de Verdi (Macbeth, par exemple). L’Opéra national de Lyon nous l’a montré à l’envie… Il a cette fois choisi – ou plutôt retrouvé – un spécialiste authentique du bel canto, indispensable pour explorer, détailler, faire revivre et sublimer, pourrait-on dire, I puritani de Bellini. Car Evelino Pidó [lire notre critique du DVD Anna Bolena] est un habitué de la scène lyrique lyonnaise où il illustra maintes fois le genre, bien avant la direction Dorny. Une nouvelle fois, le charme opère, l’amalgame entre chanteurs, choristes et musiciens s’élabore, la vie intense passe du chef aux interprètes. Les ensembles concertants sont impeccablement menés, les chœurs un modèle d’homogénéité, comme toujours parfaitement préparés par Alan Woodbridge, et les divers pupitres de l’orchestre sonnent clair et justes (même les cors).

Côté distribution, les (nombreux) rôles solistes sont bien choisis et bien menés, à une exception près. Le soprano Olga Peretyatko est un séduisant modèle de musicalité [lire nos chroniques du 28 février 2010, du 24 février, du 11 et du 12 octobre 2012), d’aisance vocale, d’arie aériennes superbement maîtrisées, de demi-teintes délicatement élaborées, dans le rôle pourtant écrasant d’Elvira – un régal ! À ses côtés, dans les rôles tout aussi présents de Riccardo et de Giorgio, le baryton Pietro Spagnoli et la basse Michele Pertusi sont tout aussi convaincants. Leur fameux duo à panache, Suoni la tromba, est un grand moment de chant.

À ce trio vainqueur l’on peut ajouter le jeune ténor Rame Lahaj, Bruno à l’élocution parfaite, et la basse Ugo Guagliardo, très expressif dans le rôle de Gualtiero (le père d’Elvira), sans oublier Daniela Pini dans celui, épisodique, d’Enrichetta. Dans l’amoureux Arturo, il est vrai très éprouvant vocalement, le ténor russe Dmitri Kortchak reste très en retrait de ce brillant aréopage. Certes, la musicalité est grande et le timbre reste confortable dans les passages nuancés, mais le registre, trop court dans l’aigu, fait terriblement défaut dans les aigus, vite durcis, instables et agressifs. Dommage.

GC