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Chroniques
Idomeneo, re di Creta | Idoménée, roi de Crète
opera seria de Wolfgang Amadeus Mozart
À l’inverse de la trilogie Da Ponte ou des chamarres exotiques de Die Entführung aus dem Serail, ou symboliques dans Die Zauberflöte, l’argument d’Idomeneo, puisant dans l’antique, relève davantage de l’épure. C’est du moins ainsi que Bernard Lévy [lire notre chronique d’Amadigi], qui règle la nouvelle production de l’ouvrage de Mozart présentée par l’Opéra-Théâtre Eurométropole de Metz, entend traiter les péripéties sacrificielles du roi de Crète. La scénographie presque abstraite de James Brandily, aux allures de sol granitique meublé ici d’un lustre, là de voiles, plus tard d’un arbre en fleurs à l’heure du dénouement, supports pour une imagination très schématique des situations, vaut surtout pour les lumières de négatif photographique de Christian Pinaud, qui semble compter Antonioni (entre autres) parmi ses sources d’inspiration. Les ajouts vidéographiques de Florent Fouquet et les costumes conçus par Céline Perrigon ne contrediront pas l’économie d’une lecture sobre en idées et en direction d’acteurs.
Dans le rôle-titre, Krešimir Špicer [lire nos chroniques de La Didone, Il ritorno d’Ulisse in patria, Lucio Silla et Israel in Egypt] ne correspond sans doute pas aux critères de constance technique que d’aucuns attendraient, oubliant toutefois que le compositeur écrivit le rôle pour un ténor en fin de carrière, Anton Raaff, lequel avait soixante-six ans à la création (Munich, 1781) – sans compter l’assimilation de la réforme de Gluck dans la forme même de l’opera seria. La partie privilégie la palette expressive et, sur ce chapitre, la diversité des registres du Croate ne faillit point. À cette caractérisation contrastée et engagée répond le mezzo homogène, voire presque placide, d’Adèle Charvet [lire nos chroniques d’Ariane et Barbe-Bleue et d’I due Foscari], au médium idéalement défini pour cet emploi travesti, sans pour autant faire oublier de discrètes limites dans le haut de la tessiture. L’incarnation d’Ilia par Amel Brahim-Djelloul ne souffre aucune de ces réserves. Son babil souple et fruité condense, avec une touchante sincérité, la sensualité fraîche et innocente de la jeune Troyenne, et ne sacrifie jamais la vérité du sentiment à la virtuosité.
En Elettra, figure antagoniste tant dans le drame que dans la facture vocale, Serenad Burçu Uyar assume la pyrotechnie de la vindicte, sans gratuité exhibitionniste [lire nos chroniques de Die Zauberflöte à Liège et à Marseille, Lucia di Lammermoor à Massy et à Toulon, La traviata, Les contes d'Hoffmann et Les pêcheurs de perles]. Arbace à la canne de vénérable, Sébastien Droy s’investit dans une bienveillance sans éméritat inutile [lire nos chroniques des Aventures du roi Pausole, de Tom Jones, Il barbiere di Siviglia, Iphigénie en Tauride, Colombe, Mireille, Dialogues des carmélites, Uthal, La reine de Chypre et Philémon et Baucis]. Préparé par Nathalie Marmeuse, le Chœur maison se révèle efficace et fournit les effectifs des apparitions secondaires, à l’exemple de celle du Grand Prêtre de Neptune dévolue à Bo Xin.
À la tête de l’Orchestre national de Metz, aux pupitres répartis un peu hors de la fosse, à l’avant du parterre, pour répondre aux impératifs sanitaires du moment, David Stern fait respirer la vitalité des couleurs et des inflexions de la partition, avec un éclairage ductile sur les interventions instrumentales, sans renoncer à la générosité mozartienne, compensant les relatives imperfections de la patine sonore. Expert dans la rhétorique expressive, le chef américain rend justice à la complexité du discours et des émotions mozartiennes.
GC