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Chroniques
Idomeneo, re di Creta | Idoménée, roi de Crète
opéra de Wolfgang Amadeus Mozart
Pour ce troisième et dernier soir en l’édition 2018 du Buxton Festival, retrouvons Mozart et son Idomeneo, exemple d’équilibre entre un héritage baroque tardif et l’édification des futurs canons de l’ère classique. Sans être une rareté, au même titre qu’Alzira de Verdi et Tisbe de Brescianello [lire nos chroniques des 13 et 12 juillet 2018], l’opera seria conçu par le Salzbourgeois en 1781 pour le petit théâtre de la Residenz, à Munich, ne fait pas non plus partie de ses pièces les plus jouées. Aujourd’hui, Nicholas Kok en donne une version incomplète, ayant décidé d’alléger la représentation du ballet d’origine, ce qui n’est pas un mal. Par contre, priver l’auditeur des deux arie dévolues à Arbace est franchement sec. Les sons additionnels électroniques constituent un autre choix discutable. Tout en menant le continuo depuis un pianoforte, le chef dirige la formation associée au festival, à savoir le Northern Chamber Orchestra, dans une lecture tour à tour élégante et palpitante. Quelques détails soignés sont appréciables, quand des bondissements dramatiques presque hystériques font flop en exaspérant l’écoute. Matthew Morley signe la prestation délicate et vaillante du Festival Chorus dont les jeunes voix font preuve d’un bel engagement artistique.
L’an dernier, nous avions beaucoup apprécié, ici-même, l’Aufidio de Ben Vishala Thapa [lire notre chronique de Lucio Silla] qu’on attendait dans le rôle d’Arbace. Réduit à une peau de chagrin, il ne lui permet pas de briller et nous frustre lamentablement de sa musique comme d’un personnage qui désormais n’a plus aucune consistance. Paul Nilon apporte une touche de dureté à son Idomeneo. Le timbre est métallique, la voix en bonne santé mais assez lourde. Dans les dernières interventions, on perçoit la fatigue du ténor. En revanche, sa composition du rôle, en parfait accord avec le metteur en scène, est vraiment très intéressante. Au fil du spectacle, le roi crétois perd la raison, au point de devenir lui-même le monstre marin, double qui accomplit sa volonté inconsciente. Quoique d’un format plutôt confidentiel, le mezzo-soprano Heather Lowe s’impose dans un Idamante sensible, fiable musicalement (quel phrasé !) et théâtralement crédible et attachant. L’expressivité de Rebecca Bottone fait son effet en Ilia, avec un timbre pur et un chant d’une réelle élégance. Mais c’est sans conteste Madeleine Pierard qui brûle les planches ! Son incarnation d’Elettra est intense et habile. La voix est sombre et transmet avec naturel la colère de l’héroïne.
Dans le décor unique d’Isabella Bywater, montrant la plage à l’intérieur des murs, de même que le monstre est dans la tête du rôle-titre, Stephen Medcalf, dont nous applaudissions Un ballo in maschera le mois dernier à Grange Park Opera [lire notre chronique du 27 juin 2018], a construit un spectacle proche du texte, et intègre au maximum les éléments géographiques de l’action. Le sable est partout, celui du vœu trop rapidement formulé, qui sonne comme une malédiction. Dans cet écrin, la mise en scène se penche avec minutie sur le destin de chaque personnage, leurs relations, etc. Jusque dans la tenue des mains, la démarche ou le port de tête, les corps disent la situation dramatique. Le principe majeur est la culpabilité d’Idoménée, à laquelle il est entièrement soumis. Cette vision de l’opera seria en drame psychologique apporte un nouvel éclairage, conforme au souffle épique de cet artiste [lire nos chroniques d’Il pirata et The Saint of Bleecker street].
HK