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Chroniques
Il barbiere di Siviglia | Le barbier de Séville
opera buffa de Gioachino Rossini
Les fêtes de fin d’année riment ordinairement avec répertoire léger ou, du moins, la bonne humeur de la comédie. Si parfois le divertissement prend le pas sur la musique, l’Opéra national de Lorraine a préféré puiser dans le fonds rossinien, pour ne pas sacrifier la magie du rire à celle du bel canto. À cet aune du calendrier où il convient de réunir le public le plus large, Il barbiere di Siviglia s’affirme comme un choix évident, tant les ruses de Figaro et d’Almaviva (reprises de la comédie de Beaumarchais) pour sortir Rosina des griffes de son tuteur façonnent une idéale complicité avec le public.
Pour sa production imaginée en 2008 pour Berne et reprise après de nombreuses étapes européennes, Mariame Clément [lire nos chroniques de Rigoletto, Platée, La bohème, Hänsel und Gretel, Castor et Pollux, Les pigeons d’argile, Poliuto, Armida, Il ritorno d'Ulisse in patria, La Calisto, Don Quichotte, Anna Bolena et Cendrillon], alors encore au début de sa carrière, multiplie les clins d’œil. Sous les lumières de François Thouret, la scénographie de Julia Hansen déploie au fil des tableaux, sur un plateau rotatif, l’extérieur et l’intérieur de la demeure du Dottore Bartolo dont une enseigne jaune rappelle l’apocryphe profession de dentiste – ce qui nous vaut un air de la calomnie avec menace de fraise obligée. Sans doute appréciera-t-on l’inversion des plafonds et de la gravitation à l’étage, à l’heure de l’orage qui va précipiter les situations, même si les acrobaties des protagonistes pour passer d’une pièce à l’autre font preuve de précautions réalistes surnuméraires, sinon inutiles, pour reprendre le sous-titre de l’opéra. Il faut évidemment que le déguisement de Lindoro en Alonso, le faux élève de Basilio, ne se contente pas d’une grimage en Elvis Presley, et que son accent soit une caricature gringo, tandis que les treillis du soldat, à la fin du premier acte, ne lésinent pas sur la muflerie éméchée du militaire. Devant un tel appui sur les gags, le spectateur peut parfois rester placide. Il n’est pas impossible que les zygomatiques soient moins sensibles au réchauffé, mais du moins la bonne humeur reste-t-elle sauve et sans risques pour les publics sensibles – le contrat de Noël est rempli.
D’aucuns retiendront d’abord la Rosina de Patricia Nolz, à l’homogénéité sans reproche et la carrure de mezzo déjà reconnaissable alors que l’Autrichienne, en troupe les deux saisons passées à la Wiener Staatsoper, n’en est encore qu’à l’âge des talents émergents. Cette plénitude de moyens s’affirme face à l’Almaviva généreux de Nico Darmanin. L’élan lyrique du Maltais s’accommode d’un jeu d’acteurs qu’on lui a peut-être demandé d’appuyer, ainsi que d’une émission qui a besoin d’une relative latence avant de manifester sans retenue son intégrité. Gurgen Baveyan se distingue par la gourmandise de son Figaro, dans le timbre comme dans le chant, qui ne cherche pas à se mesurer à l’intransigeance d’une orthodoxie par ailleurs évolutive avec les époques. En Bartolo, Bruno Taddia fait preuve d’un métier éprouvé qui assure l’incarnation comique. Le Basilio de Dario Russo ne comble peut-être pas toutes les attentes d’une basse chantante [lire nos chroniques d’I masnadieri, Il castello di Kenilworth et La campana sommersa]. En revanche, la Berta de Marion Lebègue ne suscite aucune réserve [lire nos chroniques d’Il trovatore à Paris, Lucia di Lammermoor, Carmen et Così fan tutte], tandis que le Fiorello d’Henry Neill se fait un peu rustaud, comme l’Officier d’Young Kim qui se détache des effectifs choraux honnêtement préparés par Guillaume Fauchère. Quant à la direction de Sebastiano Rolli [lire nos chronique de Rosmonda d’Inghilterra, La traviata et Il trovatore à Fidenza], elle ne bouscule pas le plateau en enfreignant un régulateur de tempo cependant moins impassible après l’entracte.
GC