Chroniques

par irma foletti

Il matrimonio segreto | Le mariage secret
dramma giocoso de Domenico Cimarosa

Festival della Valle d’Itria / Palazzo Ducale, Martina Franca
- 3 août 2019
Naples au Festival della Valle d’Itria 2019: "Il matrimonio segreto" de Cimarosa
© clarissa lapolla

Dans sa quatre-vingt-dixième année, le metteur en scène et scénographe Pier Luigi Pizzi a encore bon pied bon œil, comme lorsqu’il vient saluer d’un pas vif au rideau final. À l’intérieur du même grand parallélépipède que la veille, avec ses deux poteaux intermédiaire qui forment trois espaces, les décors diffèrent : nous sommes, cette fois, dans un appartement moderne et chic, avec quelques peintures et sculptures de valeur bien en vue. Geronimo est un marchand d’art qui expose chez lui plusieurs oeuvres, dont la majorité de l’artiste Burri, comme indiqué dans le programme de salle. Pendant l’Ouverture, le couple marié secrètement se réveille. Madame amène le petit déjeuner en déshabillé dans la salle à manger située à droite, et le couple se câline gentiment sur le canapé, comme s’il s’agissait des propriétaires de la demeure. Par la suite le jeu est à la fois vivant, naturel et fluide, même si quelques images ont été déjà vues dans des productions antérieures de Pizzi. On pense en particulier à celle de La pietra del paragone de Rossini, proposée à deux reprises à Pesaro [lire notre chronique du 14 août 2017], quand ce soir le Comte Robinson fait quelques pompes ou quand Paolino se montre plus d’une fois torse nu. Cette élégance de la réalisation visuelle, dans un grand volume au design contemporain, passe fort bien et l’on ne s’ennuie pas une seconde durant ce Mariage secret, opéra qui peut parfois tirer en longueur – quelques petites coupures ont été effectuées.

La direction musicale du jeune Michele Spotti, à la tête de l’impeccable Orchestra del Teatro Petruzzelli di Bari, est également une grande réussite. Passés les trois premiers accords qui rappellent la Zauberflöte mozartienne, le ton de l’Ouverture est léger et rapide mais aussi plein d’application. Le chef met beaucoup de dynamique et de variations dans ses effets, par exemple quelques accélérations qui sont très bien amenées. Entre autres, le final du premier acte est très enlevé, la musique présentant un joli brillant [lire notre chronique de Don Pasquale].

La distribution s’avère d’excellente valeur et globalement cohérente, avec quelques étoiles. En premier lieu, Benedetta Torre fait entendre, dans le rôle de Carolina, une très jolie pulpe vocale, fruitée et dotée d’une extension facile vers les aigus – une chanteuse à suivre, certainement idéale dans le répertoire mozartien. L’autre soprano, Maria Laura Iacobellis (Elisetta), possède aussi un timbre de qualité, peut-être au vibrato légèrement accentué, mais faisant preuve d’une virtuosité et d’un abattage impressionnants dans son grand air du deuxième acte, Se son vendicata [lire notre chronique du Viaggio a Reims]. Dans le rôle de la tante Fidalma, le mezzo Ana Victoria Pitts use d’une voix plus sombre, parfois un peu voilée, qui marque idéalement la différence de génération avec ses nièces [lire notre chronique de La bella addormentata nel bosco].

Côté masculin, Alasdair Kent (Paolino) est un ténor clair, léger et agréable, idéal dans le répertoire rossinien et mozartien. Dans son air du deuxième acte, Pria che spunti in ciel l’aurora, il fait preuve d’élégance et de souplesse, dans un volume réduit mais bien audible, montrant toutefois quelques fragilités sur les notes les plus aiguës [lire notre chronique de L’Italiana in Algeri]. Les deux basses attendues dans les rôles de Geronimo et du Comte Robinson, respectivement Marco Filippo Romano et Vittorio Prato, accusent tous deux des limites évidentes dans le registre grave, exprimé souvent trop timidement. Le premier perpétue avec esprit la tradition des basses bouffes, expressif et bien sonore dans le médium et l’aigu, à l’aise dans le débit rapide et se montrant drôle mais sans excès [lire notre chronique de Margherita d’Anjou]. On l’imagine aisément en Bartolo du Barbiere di Siviglia de Rossini. Quant à Vittorio Prato, il a le look du beau gosse, costume bleu et chemise Hawaï, beau grain de voix assurée mais d’une projection un peu réduite [lire nos chroniques de L’elisir d’amore, Il barbiere di Siviglia, Les Indes galantes, La Salustia et Il segreto di Susanna].

IF