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Chroniques
Il terremoto, opéra sacré d’Antonio Draghi
Le Poème harmonique, Vincent Dumestre
Inlassable acteur de l'exhumation de partitions oubliées de l'âge baroque depuis bientôt quatre décennies, le Festival Ambronay se montre à la hauteur de sa réputation pour le dernier week-end de son édition 2017, par ailleurs consacrée à eeemerging, projet de soutien aux ensembles européens émergents, qui donne désormais rendez-vous, en fin d’événement, pour permettre au public d'entendre six des jeunes formations sélectionnées et soutenues par ce programme pluriannuel.
Donné en première française par Vincent Dumestre et son Poème Harmonique, Il terremoto d'Antonio Draghi (ca.1634-1700) constitue un témoignage saillant de l'influence italienne dans la production musicale de la Contre-Réforme à la cour viennoise des Habsbourg. Relevant du genre du sepolcro, variante de l'oratorio consacrée à la méditation sur les dernières heures de la Passion et qui constitue, en un sens, un pendant Mitteleuropa aux leçons de ténèbres dans la France de Louis XIV, l'ouvrage de Draghi se concentre sur le tremblement qui agita la terre au moment où Jésus expira, tirant parti de ressources expressives qui enrichissent l'austérité recueillie du sujet.
Sans doute pour souligner une parenté d'usage reconstituée par l'historiographie a posteriori, la soirée s'ouvre sur un condensé de l'épisode évangélique, non sans quelque discutable liberté, dans une déclamation restituée par Alexandra Rübner, laquelle privilégie l'effet d'intensité émotionnelle à un archétype de retenue transmis par l'image que l'on a gardée de la tradition luthérienne. L'introduction discursive, où se mélangent les couronnes, cède alors à une partition dont Dumestre et ses musiciens révèlent des contrastes picturaux intimes qui ne sont pas sans faire penser à un art transalpin du pinceau, en particulier post-caravagesque. Les détails pittoresques, dans la droite lignée de l'imitation descriptive, affleurent dans l'évocation sismique aux scènes 6 et 7. Sans manquer d'inspiration, la musique se repaît parfois de son efficacité, tout en sachant donner voix aux archétypes incarnés de la foi.
Léa Trommenschlager distille la piété décantée de la Vierge Marie, tandis que la ferveur plus sensuelle de Marie-Madeleine est suggérée de manière équilibrée par la rondeur pondérée du mezzo Eva Zaïcik. En Saint-Jean, Jeffrey Thompson s'investit remarquablement et nous épargne finalement l'exhibitionnisme facial, sinon mandibulaire, qui frissonnait au début du concert, et que l'on avait décelé dans ces mêmes lieux l'an passé. Pascal Bertin offre un Scribe nerveux, aux côtés du solide Pharisée de Geoffroy Buffière. Victor Sicard ne démérite pas en Centurion. Quant aux Lumières de la foi et de la science, elles reviennent respectivement à la diaphane Anna Zawisza et au monochrome maîtrisé et intelligent d'Helena Poczykowska. Saluons les ensembles choraux, participant à la réussite d'une sortie de bibliothèque qui achèvera vraisemblablement le destin de sa résurrection sous la presse discographique.
GC