Chroniques

par gilles charlassier

Il Turco in Italia | Le Turc en Italie
dramma buffo de Gioachino Rossini

Opéra de Dijon / Auditorium
- 8 janvier 2016
à l'Opéra de Dijon, nouvelle production du Turco in Italia de Rossini (2016)
© gilles abegg

À l'image d'uneTraviata de Jean-François Sivadier qui avait servi d'écrin à la Violetta de Natalie Dessay en 2011, une nouvelle fois l'Opéra de Dijon hérite du Festival international d’art lyrique d'Aix-en-Provence avec le Turco in Italia réglé en juillet 2014 par Christopher Alden, repris en Bourgogne pour ce début d’année par Karolina Sofulak. Dessinée par Andrew Lieberman, la scénographie en forme de carène inversée, tapie de mosaïques aux vagues réminiscences de hammam, traduit d'abord la longueur du plateau provençal avant de se parer de lumières (Adam Silverman) non dénuées d'une certaine chaleur poétique pendant la seconde partie.

Sans renoncer à la mise en abyme théâtrale qui caractérise l'ouvrage, la présente lecture privilégie l'architecture dramatique où la résolution permet le retour aux équilibres initiaux, après les péripéties perturbatrices. Avec perruques et travestissements, le traitement visuel maîtrisé et parfois virtuose a pour charge d'en rendre compte, à défaut d'en creuser les ressorts comiques ou herméneutiques : en somme, un spectacle « digeste », sur fond de versatilité vestimentaire, à la solde probable de la mode – à en juger par les porte-manteaux fournis où s'abreuve, en particulier, la coquetterie de Fiorilla.

Confiée à Elena Galitskaïa, celle-ci affirme un aigu fruité et flirte avec le caractère mutin du personnage, doué ainsi d'une séduction irrésistible, par-delà les caprices capillaires exigés par la régie. Le soprano franco-russe montre une agilité rythmique volontiers ludique, au diapason de l'idiome rossinien dont il épouse la juvénilité communicative. Autre éclosion d'évidentes promesses qui ne manqueront pas de s'épanouir dans les années à venir, Damien Pass, ancien pensionnaire de l'Atelier Lyrique de l'Opéra national de Paris, se révèle un Selim généreux et admirablement équilibré [lire nos chroniques du 3 avril 2015, du 21 octobre 2011, du 26 juin 2010 et du 28 novembre 2009]. L'exigence de la tessiture et la présence des graves ne contrarient aucunement d'incontestables dispositions chantantes. Un sens du jeu, qu'il partage avec la partenaire susnommée, achève de convaincre.

Le reste du plateau ne démérite guère.
Sans affectation, Vincenzo Taormina démontre la solidité attendue en Prosdocimo, le poète qui tient les ficelles de l'intrigue, tandis que Tiziano Bracci assume sans faillir le paternalisme de Don Geronio, à juste distance de la caricature. Catherine Trottmann ne néglige pas le médium de Zaida, quand Juan Sancho s'avère à la hauteur des interventions et de la légèreté d'Albazar. Le Narciso de Luciano Botelho ne dissimule pas toujours des limites vocales parfois sensibles dans les nasalités occasionnelles de son timbre [lire nos chroniques du 14 mai et du 26 février 2010]. Mentionnons le Chœur de l'Opéra de Dijon, préparé par Anass Ismat, ainsi que la direction musicale d'Antonello Allemandi qui parvient à fondre les scories initiales de l'Orchestre Dijon Bourgogne dans un soutien dynamique à la rhétorique lyrique.

GC