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Il Turco in Italia | Le Turc en Italie
dramma buffo per musica de Gioacchino Rossini
Passé par l’Opéra de Monte-Carlo et la Staatsoper de Vienne, le spectacle réglé par Jean-Louis Grinda fait escale, pour deux représentations, à l’Opéra Grand Avignon. Le traitement ne s’éloigne guère du livret original de Felice Romani, en suivant tout du long le poète Prosdocimo en recherche d’un bon sujet d’écriture. Nous sommes en pleines répétitions en costumes à l’entame, dans les décors de Rudy Sabounghi qui montrent une scène de théâtre vue par l’arrière. L’intrigue est ensuite rapidement illustrée par quelques éléments scéniques : un bateau duquel débarque Selim sur une mer d’opéra (un voile noir qu’on agite) ; un riche intérieur peint sur rideau de fond, petite table et méridienne quand Fiorilla invite Selim chez elle ; la baie de Naples et le Vésuve en éruption en animations vidéo au fond du plateau pour la scène du bal en fin de second acte. Deux tapis roulant en sens opposés permettent également les entrées et sorties des personnages qui, pendant cette mécanique, restent immobiles comme des statues. Le jeu est réglé avec énergie et entrain, deux passerelles sur les côtés de la fosse d’orchestre faisant cheminer régulièrement les protagonistes au premier rang du parterre, au plus près du public. À noter, par ailleurs, les costumes colorés et variés de Jorge Jara qui habillent les rôles ainsi que gitanes et gitans à l’Acte I, puis les participants au bal du II.
La distribution vocale est de qualité et tout à fait rossinienne dans l’ensemble. La basse Guido Loconsolo fait bonne impression dans le rôle-titre de Selim, avec un beau grain noble et autoritaire, qui puise avec aisance dans son registre le plus grave. La voix est suffisamment souple, même si quelques vocalises sont passées à petite vitesse [lire nos chroniques des Nozze di Figaro, de Die Zauberflöte et Ermione]. Parmi les autres chanteurs en clé de fa, on préfère de beaucoup le Prosdocimo du baryton-basse Giovanni Romeo, à la voix solidement timbrée dont la projection est saine et sonore, au Don Geronio du baryton Gabriele Ribis, dont l’instrument est souvent engorgé dans le médium et sourd dans le grave. Les deux ténors sont brillants, avec en tête Patrick Kabongo qui compose un Don Narciso à l’aigu éclatant, élégant dans ses nuances en mezza voce et souple et rapide d’exécution dans les passages d’agilité, en particulier au cours de son grand air du second acte Tu seconda il mio disegno [lire nos chroniques d’Armide, L’inganno felice, Romilda e Costanza, Moïse et Pharaon, L’equivoco stravagante, Le Balcon, Elisabetta, regina d’Inghilterra, Le philtre et Armida]. Le rôle d’Albazar est moins développé, mais Blaise Rantoanina y montre une voix agréable et musicale, conduisant avec goût son unique air Ah! sarebbe troppo dolce [lire notre chronique de Die Entführung aus dem Serail].
Côté féminin, le soprano Florina Ilie possède les caractéristiques vocales exigées par le difficile rôle de Fiorilla, en premier lieu en termes de charme du timbre et d’abattage pour aborder les séquences les plus fleuries [lire notre chronique de Nabucco]. L’air d’entrée Non si dà follia maggiore est déjà une belle démonstration de son art, ajoutant quelques aigus piqués en variations de la reprise, puis sa grande scène du II, Squallida veste, e bruna, enchaîne entre tristesse de la cantilène et grand panache, déployé pour la cabalette qui suit. Le mezzo Josè Maria Lo Monaco incarne une belle Zaida ; elle est la voix sans doute la plus puissante du plateau, dotant le personnage, femme toujours amoureuse de son Selim malgré les infidélités de ce dernier, d’une admirable expressivité [lire notre chronique de Don Giovanni].
À la tête d’un Orchestre national Avignon-Provence en belle forme, Miguel Campos Neto tient l’ensemble d’une main ferme [lire notre chronique de Cavalleria rusticana]. Il commence curieusement avec quelques tempi lents pendant l’Ouverture, mais vraisemblablement afin de faciliter la tâche au cor et à la trompette, pour l’exécution de leurs solos, virtuoses. Rapidement, la musique s’anime avec vivacité, générant les enivrants et habituels tourbillons rossiniens, propres au répertoire buffo. Le chef ne relâche pas son attention et se met au service des chanteurs, ralentissant parfois les sections les plus rapides, – par exemple le duo entre Sélim et Fiorilla, au premier acte, ou encore pendant la grande scène de cette dernière au second. Les choristes de l’Opéra Grand Avignon se montrent, par ailleurs, vaillants tout du long.
IF