Chroniques

par bertrand bolognesi

in memoriam Elliott Carter
solistes de l’Ensemble Intercontemporain

Philharmonie, Paris
- 26 avril 2015
les solistes de l'EIC rendent hommage à Elliott Carter à la Philharmonie (Paris)
© dr

Cette fin de semaine, la Philharmonie se fait nord-américaine. Son programme Sketches of New York varie les plaisirs, du Kronos Quartet à l’Ensemble Wospock en passant par la projection de The docks of New York, film de Josef von Sternberg (1928), accompagnée par la guitare de Marc Ribot. Si le point culminant de l’opération demeure les deux rendez-vous avec New York Philharmonic et Alan Gilbert, son directeur musical depuis six ans, la présence de l’Ensemble Intercontemporain n’y est certes pas anodine, négligeable moins encore. Après un menu de création donné mardi soir au grand complet(David Fulmer, Sam Shepherd), ce sont les solistes qui, cet après-midi, rendent hommage à Elliott Carter que nous perdions le 5 novembre 2012.

Faut-il rappeler à quel point le compositeur étatsunien fut lié à la formation parisienne, via l’amitié avec Pierre Boulez (dont témoignent plusieurs opus, d’ailleurs) ? Outre ses créations de Penthode en 1985, de Réflexions vingt ans plus tard et de What are years en 2010, l’ensemble a beaucoup joué la musique de Carter, notamment les œuvres concertantes. Encore se souvient-on de quelques premières françaises, en l’auditorium qu’alors nous appelions Cité de la musique et en présence du maître…

Donné devant l’orgue de l’Amphithéâtre, cette heure de concert parcourt le corpus chambriste cartérien de 1952 à 2009, puisant quelques pépites dans sa vastitude. Elle commence en solo par Figment II pour violoncelle, une page de 2001 servie par Pierre Strauch. Il est bientôt rejoint par la flûtiste Sophie Cherrier pour les Enchanted preludes de 1988 – littéralement enchantés, oui, encore enchanteurs ! La complicité de ses tissages est pure merveille. Grand plaisir également à retrouver la Sonate pour flûte, hautbois, violoncelle et clavecin, conçue dès 1952 : grâce à l’instrumentarium particulier, Carter inventait avec elle un sérialisme doux, dans l’aura de l’ostinato évolutif du clavecin (Risoluto et Allegro conclusif). Le mouvement lent est idéalement rendu par une réalisation au cordeau des relais instrumentaux, à l’inscription nettement webernienne.

Retour au presque aujourd’hui, avec le bref Figment IV(2007) pour alto, qui fut créé ici, il y a sept ans : Odile Auboin affirme tonicité, rigueur et plénitude, autant de qualités qui se déploient avec une maturité musicale confondante. Les Duetti pour violon et violoncelle sont les pièces les plus récentes de cette matinée (2009). Diego Tosi s’y révèle autant précis qu’efficace, déclinant un simulacre de flûte chinoise dans l’Adagio médian. Nos interprètes concluent avec le fort beau Oboe Quartet, d’une extrême subtilité de conception, où le bois si cher à Carter, fidèlement tenu par Didier Pateau, prend la place du premier violon pour couronner en 2001 un chemin en six quatuors, dont cinq exclusivement à cordes, ouvert en 1950 [lire notre critique du CD].

BB