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Chroniques
intégrale Jean Sibelius, 1
Symphonies Op.39 n°1 et Op.52 n°3
Parce que nous croyons qu'il ne sert à rien d'user de l'écrit pour vociférer contre des vieilles querelles, contrairement à des barbes du même âge, nous préférons d'emblée nous réjouir de ce que la salle Pleyel accueille cette semaine l'un des plus grands orchestres du monde pour un cycle consacré aux sept symphonies de Jean Sibelius, encore rares dans les programmes français. C'est donc avant tout de musique que cet article parlera, principal sujet de nos préoccupations, comme il est bon de le rappeler parfois.
Le premier de ces quatre rendez-vous s'ouvre dans le paysage délicatement introduit par le violoncelle solo de La fille de Pohjola Op.49, fantaisie symphonique inspirée du Kalevala, achevée par le compositeur finlandais en 1906 et créée à la fin de cette même année sur le sol russe. On se gardera de gloser sur les œuvres, renvoyant le spectateur aux précieuses notes de programme confiées aux bons soins de Marc Vignal, et invitant le lecteur à se plonger dans le volume que cette autorité en la matière publia chez Fayard, il y a deux ans [lire nos Pages de chevet]. On remarque dès l'abord la précision de chaque pupitre du Los Angeles Philharmonic et la précision avec laquelle Esa-Pekka Salonen mène peu à peu son interprétation vers la lumière la plus intense. Les cuivres, proches des sonneries de Janáček, affichent une santé qui fait plaisir à entendre, les bois livrent des couleurs chaleureuses et choisies, tandis qu'une batterie de pizz' fait pâlir certaines de nos formations. Le chef donne à sa lecture un relief indicible, précipitant la dramaturgie de la narration comme jamais, tout en laissant entendre chaque détail de tutti contrastés et puissants. Le geste général de cette exécution brillante s'assume généreusement lyrique, finissant dans un désert tragique.
Ce grand souffle, on le retrouve dans la Symphonie en ut majeur Op.52 n°3, composée l'année suivante. Salonen en attaque l'Allegro moderato dans la vigueur contenue des cordes graves, opposant bientôt un élan rafraîchissant, notamment par le choral de cuivres, à une gravité plus mystérieuse. La chanson de l'Andantino central, entonnée dans une élégante distance, se trouve presque dansée, l'onctuosité des cordes se montrant chambriste dans sa densité même. Le dernier mouvement porte un regard brahmsien sur Beethoven, ce que le chef finlandais souligne jusqu'à le porter au rang d'hymne, dans une saine économie d'effets. Le sommet de ce concert d'ouverture est atteint !
Car, moins personnelle, la Symphonie en mi mineur Op.39 n°1 (1899-1900) passionne peu. Le prélude élégiaque de la clarinette séduit l'écoute, bientôt conduite dans le premier mouvement par la franche tonicité des cordes. Mais cet Allegro semblera peu habité, quoiqu'irréprochable en soit l'exécution. Si la nuance du tout tchaïkovskien Andante cisèle des délicatesses inouïes, les deux derniers épisodes accusent quelques approximations (douteux unisson des contrebasses, par exemple). La rutilance des cuivres n'est certes pas en danger, mais Esa-Pekka Salonen a vraisemblablement moins à nous dire. Pour saluer l'enthousiasme de la salle, il offre un extrait du Concert Românesc (1952) de Ligeti. À demain !
BB