Recherche
Chroniques
Internationales Mahler Festival Leipzig
concert 9 | Mahler Chamber Orchestra, Daniel Harding
La Symphonie en sol majeur n°4 fait appel à un effectif réduit, comparé à l’ampleur des précédentes œuvres. Le Mahler Chamber Orchestra est donc l’invité attendu pour interpréter cet opus au cours du cycle. La formation que dirige ce soir Daniel Harding est bien connue des mahlérophiles pour prendre part à l’Orchestre du Festival de Lucerne, conduit chaque été par Claudio Abbado.
Quant elle fut donnée la première fois en 1901, elle déconcerta le public. À sa décharge, il faut admettre que le virage stylistique opéré depuis la Symphonie n°2 est significatif, la Troisième n’ayant pas encore été créée – elle ne le sera que l’année suivante. La facture orchestrale de cette dernière préfigure la transparence faussement innocente de cette Humoreske Sinfonie. De même les dimensions presque plus conventionnelles de l’ouvrage put surprendre les auditeurs. On supposera également que durent être apprivoisée l’ambivalence émotionnelle et l’ironie sous-jacente.
S’ouvrant sur un motif de clochettes et de clarinettes translucides, le premier mouvement, Bedächtig, Nicht eilen (posé, sans précipitation), déploie une atmosphère pastorale. Si l’on excepte des attaques parfois à la limite de la brutalité, péché mignon de Daniel Harding, la direction favorise une certaine légèreté de texture tout à fait adaptée, parfois moelleuse même. Le scherzo, In gemächlicher Bewegung, Ohne Hast (dans un mouvement tranquille, sans hâte), ne souffre point d’excès de caractérisation, équilibrant l’élégance et l’ironie, discrètement mordante. Dans le mouvement lent, Ruhevoll, Poco adagio (très calme), le flottement rythmique, puis sa plasticité dans la section centrale rendent fidèlement le côté extatique de la partition. Un discret portamento des violons apporte une touche idiomatique empreinte de grâce mélancolique, à la limite du sfumato.
Le finale, Sehr behaglich (très aisément), est écrit sur un texte des Knaben Wunderhorn, Wir geniessen die himmlischen Freuden (Nous jouissons des plaisirs célestes). L’interprétation de Mojca Erdmann fait montre d’une fraîcheur que l’on pourrait aimer plus innocente encore. La verdeur de l’instrument ne lui donne apparemment pas les clefs de la naïveté. Les dernières notes égrenées dans le bas registre de la harpe, le chef britannique fait résonner le silence de manière un peu prolongée. La répétition par le disciple du geste du mentor se condamne parfois à l’imitation maladroite et presque caricaturale (ne s’improvise pas Abbado qui veut).
En première partie de soirée, nous entendions le mouvement symphonique Blumine, Andante, Allegretto, composé en 1884 pour le Théâtre de Kassel, et intégré ensuite à la Première Symphonie, avant d’en être retiré quelques années plus tard. Cette belle page marquée du sceau du style de la jeunesse – où l’on peut déceler des traces du Klagende Lied – et dont la facture orchestrale n’est pas sans parenté avec la Quatrième, est apparue redondant au compositeur du point de vue de l’équilibre harmonique dans la Symphonie en ré majeur n°1.
Ce furent ensuite cinq Lieder extraits du cycle Des Knaben Wunderhorn que Mojca Erdmann est venue présenter. L’humour un peu amer innerve le dialogue imaginaire entre « elle » et « lui » dans Verlorne Müh’! (Peine perdue). L’affect se retrouve dans Wer hat dies Liedel erdacht ? (Qui a lancé cette petite chanson ?). Das irdische Leben (La vie terrestre) – dont le motif sera réutilisé dans la Symphonie n°10 [lire notre chronique du 20 mai 2011] – penche vers une satire cruelle. Après la délicatesse de Rheinlegendchen (Petite légende du Rhin), presque schumanienne aussi de par le thème, le soprano allemand conclut avec Wo die schönen Trompeten blasen (Où la belle trompette résonne). Le timbre blond de l’interprète privilégie naturellement la clarté. Son format limité rencontre cependant des difficultés à plus d’une reprise pour manifester sa présence, face à une écriture et un orchestre pourtant bienveillants.
GC