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Chroniques
Into the Little Hill | Sur la petite colline
conte lyrique de George Benjamin
Que se passe-t-il donc sur cette petite colline ? Les bourgeois souhaitent l'extermination des rats, de « ceux qui n'ont pas travaillé », comme le suggère la 5ème scène d’Into the Litthe Hill, la fable qu'imagina Martin Crimp – un auteur dramatique particulièrement mis à l'honneur de cette édition du Festival d'Automne à Paris. Que devra faire le Ministre désireux d'accéder au pouvoir ? Réaliser le désir de son peuple, bien sûr. Tout en s'inspirant des différentes versions de la célèbre légende du charmeur de rats, le livret du conte lyrique de George Benjamin suggère, à travers ses naïves allures de noire parabole, une réflexion politique, évidemment, mais sonde principalement les fonctions de la musique et ses rapports avec le pouvoir. Car, attention, elle est un moyen dont on ne doutera pas un instant de la respectabilité mais que le candidat, une fois le pouvoir gagné, ne respectera pas ; en tant que moyen, elle n'a pas à assumer la responsabilité de la perte des rats pour laquelle elle sut œuvrer. La musique est ici un « homme sans yeux, sans nez, sans oreilles », arrivé par enchantement, un homme qui – redoutable paradoxe ! – fera jurer le Ministre sur « l'innocence endormie ». De fait, l'issue se laissera deviner…
Tout en présentant l'avantage d'une histoire que l'on raconte, que l'auditeur peut suivre, cette création s'est gardée d'une figuration conventionnelle des personnages. Aussi le compositeur s'ingénia-t-il à les caractériser par divers procédés, partant que deux chanteuses suffiront à incarner succinctement chacun d'eux. Aussi, de même qu'on constatera certaines récurrences textuelles dans le livret, divers motifs tissent une dramaturgie dans la partition. On se souviendra d'une mélodie de clarinette, parfois contrepointée par une seconde clarinette, toujours présente lorsqu'interviendra le Ministre, d'un rythme de cymbalum se faisant plus présent à mesure que se précise l'extermination des rats, etc., balisant une écriture musicale subtile dont l'expressivité s'impose simplement.
À l'angélisme obligé de la fille répond idéalement le chant délicatement nuancé du soprano finlandaisAnu Komsi, ménageant des aigus d'un inouï raffinement ; lorsqu'il s'agit d'évoquer l'enchanteur, la voix se fait danger, sachant souplement s'adapter à la raide gymnastique dramatique de l'œuvre. Moins probante s'avère la prestation d'Hilary Summers ; outre quelques soucis de stabilité, une présence terne et une diction souvent pâteuse, le contralto ne parvient guère à voyager d'un rôle à l'autre. À la décharge de cette artiste, la mise en scène de Daniel Jeanneteau ne facilite pas les choses. L'Ensemble Modern, dirigé par Franck Ollu, occupe l'hémicycle ; quelques passerelles dessinent un arc délimitant un plateau à travers les instrumentistes. Ce dispositif simple stylise le rapport scène/fosse, en oubliant toutefois de réfléchir plus profondément la question. Le dépouillement de cette scénographie sans imagination n’atteint pas son but en faisant l'impasse d'une direction d'acteur précise sur un texte ne permettant pas l'intériorisation, circonscrit qu'il se trouve dans un univers d'emblèmes.
BB