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Iphigenia en Tracia | Iphigénie en Thrace
zarzuela de José de Nebra
Souvent confiné au delà des Pyrénées, la zarzuela ne se limite pas à l'ersatz d'opérette auquel la réduit la méconnaissance du répertoire hispanique, même si, admettons-le, le genre fait, depuis l'âge romantique, généralement la part belle aux intrigues amoureuses et dessine souvent un folklore plus ou moins populaire où l'élément comique ne se montre pas toujours absent. Pour autant, cette forme lyrique que d'aucuns rapprocheraient du singspiel ou de l'opéra-comique, présente au fil de son histoire pluriséculaire une évidente diversité d'inspiration [lire nos chroniques du 30 juin 2007, des 5 février et 19 avril 2009, enfin du 30 octobre 2016] que s'attache à mettre en valeur l'institution madrilène à lui être consacrée, au fil de redécouvertes et de raretés. Ainsi en témoigne l'Iphigenia en Tracia de José de Nebra présenté en ce mois de novembre dans la capitale de la péninsule, grâce à une nouvelle édition critique de la partition – due à José Máximo Leza et au concours de l'Instituto Complutense de Ciencias Musicales.
Écrit sur un livret de Nicolás González Martínez et créé en 1747, l’ouvrage reprend d’Euripide la tragédie des retrouvailles de la prêtresse avec son frère Oreste, déplacée, pour des raisons non élucidées, de la Tauride vers la Thrace. Autour des héros gravitent un couple d'amants, Dircea et Polidoro, et leurs doubles bouffes, les servante et valet Cofieta et Mochila, reléguant parfois le drame derrière le marivaudage, la pompe antique derrière un réalisme plus proche du public, au diapason d'une évolution dramatique amorcée au milieu du XVIIIe siècle. C'est d'ailleurs l'interdiction d'aimer plus que la malédiction sacrificielle qui constitue le nerf de l'intrigue.
Le classicisme de Gluck paraît loin. Du reste, c’est davantage à la façon napolitaine que la facture musicale fait songer – et il n'y a là peut-être pas tant de hasard que cela, Domenico Scarlatti ayant quitté la Campanie pour l'Ibérie au moment où José de Nebra (1702-1768) entre dans le giron de la Cour d'Espagne. Sans négliger les airs et quelques seguidillas, le meilleur de la pièce s'entend sans doute dans les ensembles qui tirent le mieux parti de la structure en ritournelles.
Sans oser faire le rapprochement avec des contraintes budgétaires, la mise en scène de Pablo Viar se résume essentiellement à la scénographie épurée de Frederic Amat, faite de forêt de pieux qui remontent vers les cintres quand vient le dénouement, suspension sans doute de la menace du destin, sur fond de lumières minimalistes réglées par Albert Faura, le tout habillé par les costumes colorés de Gabriela Salaverri. Dissolvant le hablado dans une déclamation microphonique censée traduire les ruminations d'Iphigénie, la conception évite le risque de l'anecdotique pour un amidon passablement muséal, sinon moralisant, que ne démentiront guère les acidités un peu obsolètes de l'Orquesta de la Comunidad de Madrid, placé sous la direction attentive de Francesc Prat.
Nonobstant des limites audibles, on félicitera le plateau vocal.
L'Iphigenia tourmentée de María Bayo croise la fébrile Auxiliadora Toledano (Orestes). Le noble couple, Dircea et Polidoro, respectivement Ruth González et Erika Escribá-Astaburuaga, contraste avec la faconde de Cofieta et Mochila, que restituent sans timidité Lidia Vinyes-Curtis et Mireia Pintó. Si le résultat ne se départit pas toujours d'un certain artifice, on saluera cependant une initiative qui contribue à élargir notre connaissance de l'âge baroque et mériterait de sortir de ses frontières nationales.
GC