Chroniques

par monique parmentier

Italie baroque
Camille Poul, François Guerrier et Mathurin Matharel

Les Concerts Parisiens / Église des Billettes, Paris
- 17 février 2010
le soprano Camille Poul chante l'Italie baroque à l'Église des Billettes (Paris)
© 'bdallah lasri

Le public est venu nombreux, en ce milieu de semaine grise et humide, à l'Église des Billettes, afin de retrouver en musique L'Italie baroque (titre du programme de ce concert), celle des couleurs somptueuses. Trois jeunes musiciens nous ont réservé une superbe surprise en interprétant des œuvres rares et précieuses, d'autant plus qu'elles présentent de vraies difficultés d'interprétation qui pourraient n'en faire qu'un simple exercice technique ; Ce n'est pas le cas : ces interprètes nous touchent non seulement par leur brio mais également par leur délicatesse.

Le programme a été conçu autour d'Alessandro Scarlatti qui permit à la cantate de connaître un nouvel essor entre le XVIIe et le XVIIIe siècle en apportant à son écriture des qualités de virtuosité propres à émerveiller un public devenu, par l'opéra, féru de rodomontades vocales. Les cantates était destinées à des salons princiers et non à des théâtres. Elles présentent donc à la fois tous les morceaux de bravoure propres à fasciner et gardent, malgré tout, ce caractère d’intime raffinement lié à la relation entre le chanteur et les quelques musiciens qui l'accompagnent tout en assurant leur propre défi interprétatif.

De cette belle soirée, retenons d'abord la complicité entre Camille Poul et les deux musiciens, Mathurin Matharel au violoncelle et François Guerrier au clavecin. Ils recréent un sentiment d'intimité et d'amitié, fait d'exigence pour la musique et de simplicité dans la relation avec le public. Leur humilité souriante, leur concentration et ces instants d'abandon à la virtuosité sont autant de vertus.

Dans un programme riche, de vrais moments de découvertes font goûter l’élégance de la cantate, mais encore des arie qui assurent la transition entre cette dernière et l'aria da capo. C'est dans l pompe inutili extrait de Maddalena ai piedi di Cristo de Caldara que Camille Poul et Mathurin Matharel cristallisent les talents avec le plus de ferveur. Le violoncelliste, qui ouvre le dialogue, interprète à fleur de doigts les complexités de sa partie, pour mieux permettre à la chanteuse d'exprimer en des mélismes subtiles la faiblesse de l'être humain et la noblesse du renoncement. L'éloquence des artistes subjugue. D'une clarté angélique et radieuse, le timbre du soprano guide les ombres vers la lumière mordorée de la grâce. Dans Händel, elle fait vibrer les mots en tragédienne fragile. Projetant parfaitement sa voix, elle irradie par sa sensibilité et, par les nuances, donne aux airs un caractère unique, faisant apparaître tour à tour leurs côtés dramatique, pastoral, ironique ou plein d'humour.

Complices, violoncelliste et claveciniste assurent au continuo un véritable rôle de soutien et surtout de dialogue avec la voix. Avec grande finesse, ils soulignent les affetti sans sentimentalisme mais, au contraire, avec toute la noblesse de ces amours qui pourtant pourraient parfois paraître naïfs. Des sonates pour violoncelle et clavecin, ils servent toute la sensibilité.

MP