Chroniques

par bertrand bolognesi

Ivan Fedele, Luca Francesconi et Tristan Murail
Pierre-André Valade et l’Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI

MANCA / Auditorium Rainier III, Monte Carlo
- 3 novembre 2007
le compositeur italien Ivan Fedele photographié par Roberto Masotti
© roberto masotti

C’est sur le Rocher que se déroule la deuxième soirée du festival MANCA, accueillant l'Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI dans un programme qui voyage de chaque côté des Alpes. Du Flash-back composé par Philippe Hurel il y a neuf ans, Pierre-André Valade livre une lecture plutôt pâteuse qui tente toutefois un travail de couleur, dans une vue d'ensemble d'une vraie portée. Mais on ne goûte guère les effervescences entrelacées que cette musique invite, la lourdeur de l'exécution fossilisant les effets ménagés par la partition dans une inertie contradictoire.

L’orchestre italien, qui l'a enregistré sous la direction de Pascal Rophé en 2004, joue ensuite Ruah, une œuvre quasi concertante pour flûte et orchestre composée par Ivan Fedele il y a cinq ans. On constate la même maladresse dans les choix du chef : pour s'avérer épaisse, la sonorité du tutti demeure sans profondeur. On remarquera quelques inexactitudes, çà et là, qui embrouillent la sereine appréhension de l'œuvre. Du coup, l'extrême subtilité de la texture imaginée par l'auteur se caresse comme une promesse, ce qui demeure frustrant. En revanche, la partie la plus lente de cette page se trouve soudain transmise dans un remarquable relais des timbres, entre la flûte de Giampaolo Pretto et le violon ou l'alto, par exemple, ouvrant sur une dernière partie mieux servie, sorte de coda au lyrisme presque extatique s'éteignant délicatement en un souffle sotto voce.

Après une première version d'Etymo pour soprano, une douzaine d'instruments et dispositif électronique à partir des Carnets intimes de Charles Baudelaire et de quelques poèmes (1994), Luca Francesconi a conçu Etymo II qu'il affranchit du cadre littéraire et qu'il étend au grand orchestre. Julien Aléonard et Robin Meier (Technique CIRM) réalisent efficacement le fondu de la voix à la masse instrumentale. Mais d'autres aspects de la prestation laisse l'auditeur sur sa faim, à commencer par de trop nombreuses questions de mise en place. De même la proposition vocale d'Alda Caiello reste-t-elle bien pâle.

Avant cette pièce, Pierre-André Valade dirigeait Gondwana de Tristan Murail, œuvre qui, en ne comptant pas moins de vingt-sept printemps, n'affiche aucune ride. Le contraste entre l’exécution de Gondwana et les autres épisodes de ce concert est saisissant. Le chef livre précisément chaque détail de texture, gère remarquablement les différentes strates de l'écriture, équilibre la dynamique, soigne les alliages et sait transmettre l'irrésistible intensité d'un quart d'heure mémorable.

BB