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Jan Čižmář accompagne Eric Jurenas et Suzanne Jérosme
Boësset, Drouard de Bousset, Charpentier, Dowland, Ford, Le Camus,
Ouverte hier soir par Didone abbandonata de Mercadante que nous fit découvrir Alessandro De Marchi, la quarante-deuxième édition des Innsbrucker Festwochen der Alten Musik se poursuit à l’heure du déjeuner en la petite Nikolauskapelle du Château d’Ambras avec un récital à deux voix [lire notre chronique de la veille]. Croisant langues anglaise et française, le soprano Suzanne Jérosme et le contre-ténor Eric Jurenas présentent un programme intitulé Die Zeit steht still (Le temps s’arrête) qui décline sur tous les modes le thème amoureux.
Derrière le public, le luthiste Jan Čižmář introduit cette joute par la délicate Toccata VI du Libro quarto d’intavolatura di chitarrone de Kapsperger qu’il joue en empruntant l’allée centrale jusqu’à venir s’asseoir dans le chœur, face à nous. Outre le geste, l’enveloppant effet acoustique ravit ailleurs l’auditeur. Un bref battement moins subtil invite le contre-ténor qui s’empare de la voûte comme d’une scène avec I care not for these ladies de Philip Rosseter, presque gouailleur. Le répond féminin puise dans Sébastien Le Camus avec On n’ayme plus dans ces bocages que le soprano entonne d’un impact plus lâche qui ne favorise ni la justesse ni la diction. La précision d’Eric Jurenas est à l’opposé dans Whether men do laugh or weep de Rosseter, un rien théâtral, délicieux et suggestif. Plutôt que de rassurer l’oreille, Des beaux jours du printemps faisons un doux usage (Le Camus) confirme les difficultés de Suzanne Jérosmeet celles d’un chant sans consonnes, trop souvent approximatif.
L’édition 2019 du festival tyrolien intègrera les futurs équipements de la nouvelle Haus der Musik. Actuellement en construction, sur l’emplacement d’un théâtre que les ans rendirent obsolète, cette nouvelle infrastructure culturelle, qui sera inaugurée le 6 octobre prochain, regroupe une grande salle de concert, un théâtre de chambre et plusieurs studios de répétition où des productions à formes expérimentales pourront également s’envisager. Ce lieu absorbe un accès vers le Tiroler Landestheater via une billetterie commune, dans une agora conçue sous un vaste puit de lumière. Trois opéras ponctueront la prochaine vendange. Créé à Turin en 1732, Merope est une œuvre seria Riccardo Broschi, le frère de Carlo, plus connu sous le surnom de Farinelli, auquel il enseigna l’art de chanter, tout en étant maître de composition par ailleurs. On retrouvera Händel avec Ottone, rè di Germania (Londres, 1723), donné par les jeunes voix du projet Barockoper:Jung sous la direction de Fabrizio Ventura, chef fort pédagogue, comme il convient à l’aventure. Ottone est coproduit par les Händelfestspiele de Göttingen et de Halle – où Alessandro De Marchi dirigeait Deidamia du Caro Saxone [lire notre chronique du 11 juin 2003]. Enfin, La Dori demeure le seul des ouvrages lyriques qu’Antonio Cesti créa à l’Hoftheater d’Innsbruck (1657) à n’avoir pas été joué lors des Innsbrucker Festwochen der Alten Musik : l’année 2019 célébrant les trois cent cinquante ans du Toscan, de même que la décennie du concours vocal portant son nom, ce sera le moment idéal de combler cette carence.
On goûte les délices de Time stands still, de Come again!, de Dear, if you change ou encore Can she excuse my wrongs et Flow my tears, autant de songs de John Dowland dont Eric Jurenas [lire notre chronique du 25 juin 2017] fait adroitement ricocher les textes, tour à tour joueur, soupirant, suppliant même, toujours musical et intensément expressif. Les artistes se rejoignent dans l’italien de Barbara Strozzi (I baci, Gli occhi superbi et Sospira, respire) et du célèbre duo de L’incoronazione di Poppea de Monteverdi qui conclut ce moment.
BB