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Chroniques
Jan Dismas Zelenka par Collegium 1704
Johann Sebastian Bach par Pygmalion
À Sablé, tous les répertoires sont représentés ; il en est ainsi de la musique sacrée qui a bénéficié cette année d’œuvres inédites – àcommencer par celle d’un compositeur qui retrouve peu à peu sa place au répertoire : Zelenka.
C’est un des concerts événements du festival (honoré par la présence du ministre de la culture, Frédéric Mitterrand) qui est donné mercredi soir, dans l’acoustique idéale de la jolie petite Église Saint-Pierre et Saint-Paul de Meslay-du-Maine, par l’ensemble tchèque Collegium 1704 et son Collegium Vocale.Depuis 2007, grâce à la complicité du Festival de Sablé, cet ensemble fit redécouvrir la richesse de l’œuvre d’un de ses compositeurs nationaux, Jan Dismas Zelenka. Cette année, c’est avec les Répons de la Semaine Sainte que ces musiciens sont venus ici en première. Ce compositeur bohémien majeur y renoue avec la quintessence de la polyphonie, alors même que le succès de l’operia seria avait atteint la cour de Dresde. Ces Répons, qui alternaient avec les Leçons et Lamentations de Jérémie pendant l’Office des ténèbres, sont des œuvres plus austères où le texte prend le pas sur la musique. Forts et dramatiques, ils appellent au recueillement.
Vàclav Luks et Collegium 1704 mènent une interprétation engagée et ciselée, au dramatisme bouleversant. Sous une direction extrêmement précise à la délicatesse calligraphique, instrumentistes et chanteurs révèlent des couleurs à la sensualité maîtrisée et secrète, à l’architecture complexe et au bouillonnement intérieur tourmenté. Homogène et brillant, le chœur fait preuve d’une maîtrise lumineuse de ce texte doloriste. Dans le Miserere offert en seconde partie, le soprano Hana Blažíkovà (Gloria Patri) émerveille par un timbre sensuel, des aigus suaves et rayonnants. Collegium 1704 est l’ensemble idéal pour aborder cette musique qui a désormais retrouvé la place qui lui est due.
Quelques jours plus tard, un autre concert de musique sacrée est particulièrement attendu. Le jeune ensemble Pygmalion et son chef Raphaël Pichon ont décidé de présenter la reconstitution d’une œuvre de Johann Sebastian Bach dont ne demeure que le livret, la Musique Funéraire pour le Prince de Cöthen. Raphaël Pichon ne manque ni d’audace ni de talent et il s’en faut de peu pour que le résultat final soit à la hauteur des espérances. Probablement manque-t-il juste un peu de maturité à ce jeune musicien pour nous convaincre persuader que ce l’on entend ce jour en la Basilique Notre-Dame du Chêne à Vion est bien une œuvre du cantor de Leipzig.
En 1728, à la mort du Prince de Cöthen, Bach écrivit la musique funèbre de celui chez lequel il avait passé de belles années (de 1718 à 1723). Des études faites sur sa musique depuis le XIXe siècle ont permis de construire une hypothèse qui voudrait que cette œuvre fût à l’origine de la Passion selon Saint Matthieu. De nombreux parallèles entre les deux opus permettent de le croire, comme la similarité de certains airs (Erbame dich de la Passion et Erhalte mich de cette cantate funèbre, par exemple). Pichon a donc repris la musique non seulement de la Passion mais également celle de la Trauer Ode composée un an plus tôt à l’occasion du décès de la Reine de Pologne, en la « recollant » sur les mots de cette Trauer Musik.
L’ensemble Pygmalion n’usurpe pas sa réputation. Le chœur est particulièrement magnifique. L’ensemble des pupitres de l’orchestre se montre riche en couleurs. L’engagement de tous est réel. Les solistes sont tous pertinents. Élégante et attentive, la direction manque toutefois d’un peu de vigueur et gagnerait à affirmer les nuances. Ce n’est pas tant à l’interprétation que cet élan fondamental fait défaut qu’à la musique elle-même. Ainsi celui des violons semble-t-il brisé dans les mesures composées par le chef pour permettre et faciliter la fluidité du texte. Si la jeunesse permet de tout oser, peut-être lui faudra-t-il laisser le temps au temps pour parvenir à un résultat totalement convaincant. N’est pas Bach qui veut, quelles que soient la sincérité et la passion d’une démarche artistique.
MP