Chroniques

par gilles charlassier

Je suis un homme ridicule
opéra de Sébastien Gaxie

Athénée Théâtre Louis-Jouvet, Paris
- 2 mars 2017
Un opéra du jeune Sébastien Gaxie, à partir d'une nouvelle de Dostoïevski
© sébastien gaxie

Le hasard des programmations et des agendas rassemble parfois des démarches parentes, à l'œuvre dans des créations pourtant peu similaires. Ainsi en est-il de la commande de l'Atelier Lyrique de Tourcoing à François-Bernard Mâche, Qaraqorum [lire notre chronique de ce jour], et de l’opéra de Sébastien Gaxie, Je suis un homme ridicule, donné par le Théâtre de l'Athénée en ce début de mars. Bien sûr, entre le voyage initiatique dans l'empire mongol par un franciscain au temps des croisades et la libre adaptation d'une nouvelle de Fédor Dostoïevski, les deux sujets n'ont guère de points en commun. Plus que l'usage des ressources électroacoustiques, c'est d'abord par l'imitation instrumentale et vocale du mouvement déclamatoire que l'on peut rapprocher les deux ouvrages, à laquelle Gaxie s'attache dans la première partie du sien.

Au fur et à mesure du prologue parlé, confié au comédien Lionel Gonzalez, tout en hésitations gourmandes et complices derrière un pupitre de candidat à quelque suffrage électoral, Lionel Peintre esquisse un commentaire aux confins de l'élocution opératique, entre décalage ironique et prolongation lyrique, avec une évidente maîtrise de la mesure et de l'efficacité, intelligemment souligné par des touches orchestrales. Pour séduisant, sinon stimulant, que soit le procédé de doublure dans un écrin scénographique minimalisme baigné d'anthracite par Volodia Serre, qui est également l’artisan du livret, le procédé tarde à transformer ses promesses et finit par ressasser un relatif surplace dramaturgique autant que musical, avant de basculer dans une indigeste robinsonnade hébétée de saturations tonales.

On pourra toujours se réjouir de l'opportunité que cette seconde partie, dont l'opulence pesante contraste avec la souplesse et le comique ascétiques de la première, offre aux forces conjointes de Musicatreize et 2e2m de s'exprimer, sous la houlette de Pierre Roullier. L'exotisme pastel et ocre aux relents néo-hippies de la scénographie de Marc Lainé et Stephan Zimmerli consonne avec les costumes dessinés par Hanna Sjödin, le tout rehaussé d’interventions vidéographiques imaginées par Benoît Simon et Stéphane Lavoix, et les lumières de Kevin Briard.

En une heure dix, le spectateur peut presque donner la sensation d'une juxtaposition de deux partitions hétérogènes, de qualité non ascendante au fil de la soirée. Sans préjuger de son caractère délibéré, l'intention explore pour le moins deux écritures et deux formats différents. Là réside peut-être la valeur d'une coproduction de l'ensemble francilien avec le chœur marseillais et le Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine, soutenue par moult structures telles le FCL, l'Arcadi, l'Adami ou l'ARCAL, et réalisée avec le partenariat de l'Athénée, lequel se confirme comme un foyer de création musicale en marge des grosses machines opératiques.

GC