Chroniques

par bertrand bolognesi

Jirí Belohlávek dirige
Bohuslav Martinů, Francis Poulenc et Josef Suk

Festival de Radio France et Montpellier Languedoc Roussillon / Corum
- 26 juillet 2004
le chef tchèque Jirí Belohlávek
© dr

L’Orchestre Philharmonia de Prague, créé il y a une dizaine d’années par son chef actuel Jirí Belohlávek, donne un fort beau programme au Corum. Pour commencer, une Méditation sur l’ancien hymne tchèque Saint-Wenceslas Op.35a composée par Josef Suk en 1914, à partir du choral Saint-Wenceslas symbolisant la gloire des États de Bohême – en fait, il s’agit de l’orchestration d’une pièce pour quatuor à cordes. On connaît encore peu la musique de Suk en France. On goûte une œuvre au fin lyrisme que les artistes équilibrent finement au gré d’une lecture pudique et retenue s’exaltant peu à peu vers un crescendo idéalement maîtrisé. Une fois de plus, force est de constater à quel point la musique américaine doit son élan, et même la majeure partie des traits qui font son identité, à ce type d’œuvres, a fortiori à celles de Dvořák.

La Saison Bohemia en France (2002-2003) permit d’approfondir sa connaissance des travaux de compositeurs tchèques, moraves et bohémiens. À Paris, l’Opéra présentait à cette occasion Juliette ou la clé des songes et l’Athénée jouait Larmes de couteau et Alexandre Blis, trois ouvrages de Bohuslav Martinů, musicien présent ce soir à travers sa Toccata e due canzoni H311 commandée par Paul Sacher et de son Orchestre de Chambre de Bâle en 1946. L’œuvre s’articule en trois mouvements. Le premier s’avère assez confus, parasité par l’alourdissement malheureux du tempo. L’énigmatique tournerie du piano solo qui introduit le deuxième, littéralement obsédante tout au long de cette partie, fait apprécier les indéniables qualités de régularité et de moelleux dans la sonorité du pianiste de l’orchestre tchèque. Enfin, le troisième débute dans la même tonicité qu’une danse de Bartók, tonicité qui n’est pas entretenue jusqu’à la fin de l’exécution, toujours à cause des malencontreux aléas de tempo rencontrés plus haut. Signalons une fort belle phrase désolée des cordes, comparable à l’œuvre de Suk, dans une esthétique mêlée où l’auteur semble avoir eu quelque difficulté à se trouver.

Après l’entracte, deux artistes françaises entrent en scène pour prêter mains fortes (trop fortes, peut-être ?) aux musiciens praguois dans le fameux Concerto en ré mineur pour deux pianos et orchestre de Francis Poulenc. Attention : la musique de Poulenc est plus exigeante qu’elle pourrait le sembler… Katia et Marielle Labèque tombent dans tous les travers à éviter : tempo constamment chahuté, rubato omniprésent – et surtout dans le sobre Larghetto qui devient vulgaire et incohérent si l’on y soupire de bout en bout, détruisant toute dynamique – et percussivité exclusive, parfois bruyante, sans aucun raffinement.

Le concert s’achève par l’Italienne, quatrième symphonie de Felix Mendelssohn, dans une lecture d’une grande classe, sans surenchère, d’une tenue parfaitement classique, où l’on apprécie chaque pupitre de la formation, en particulier les bois dans l’Andante, et la musicalité élégante de Jirí Belohlávek dans le Con moto moderato (troisième mouvement).

BB