Chroniques

par david verdier

Johann Sebastian Bach | Messe en si mineur BWV 232
Monteverdi Choir, English Baroque Soloists

Salle Pleyel, Paris
- 7 avril 2013

Prémices d'un enregistrement dans la collection maison de John Eliot Gardiner, cette Messe en si présentée à Pleyel prend place parmi les concerts les plus mémorables de cette saison parisienne. Rarement on aura senti dans la réalisation instrumentale et chorale autant d'adéquation avec le projet intellectuel du chef.

Le Kyrie initial lève tous les doutes que l'acoustique rebelle de la salle pouvait faire naître. L'élévation et l'équilibre dynamique dessine une courbe infinie qui semble ne jamais vouloir retomber. On admire la cohérence admirable d’une synthèse de style qui compose cette vaste architecture de lumière. Gardiner évite le monolithisme un peu statique de la première partie (jusqu'au Gloria) en exigeant du chœur de fouiller dans le détail l'expressivité du contrepoint. Gratias agimus tibi et Qui tollis peccata mundi gagnent des lettres de noblesse, les lignes qui se croisent à l'intérieur de ce marbre vivant donnent le vertige et transportent d'enthousiasme. Parmi les solistes les plus inspirés de cette interprétation, la basse David Shipley réalise un Quoniam tu solus sanctus quasi parfait – bien secondée par le stupéfiant cor naturel de la jeune Anneke Scott. Dans le Cum Sancto spiritu la rapidité et l'assurance des entrées font de ce passage un tableau d'une rare puissance. On reste muet d'admiration à entendre la jubilation avec laquelle les sopranos anglaises dardent leurs flèches de feu.

La tension ne retombe pas dans l'amorce du Credo, fouettée jusqu'au sang par un chef soucieux de concilier justesse de l'intonation et prise de risque. Tout l'enchaînement qui mène au Crucifixus est de la même eau, à une hauteur de vue exceptionnelle tant les voix s'y expriment avec aisance et couleur. Avec Et incarnatus est, on atteint le centre géographique et expressif de la Messe. La spatialisation du grain musical fait pourtant mentir toute idée d'incarnation, compte tenu du degré de pureté des registres, aériens et vaporeux. Alex Ashworth peine à synchroniser sa respiration avec celle du hautbois dans Et in spiritum Sanctum – maigres réserves qu'on pourrait formuler quant à certaines interventions solistes souvent un peu trop corsetées (Agnus Dei). Les angles vifs des Confiteor et Et exspecto balaient ces détails en mêlant leurs rebonds implacables à l'impression d'un tumulte continu et organisé.

La conclusion entre Sanctus et Dona nobis pacem couronne un Monterverdi Choir en état de grâce. L'étagement et la fluidité des lignes donne le vertige et traduit la ferveur ardente de son engagement. « De la musique contemporaine » ironise Sir John en coulisse, fier de la leçon qu'il vient de donner au public français.

DV