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Chroniques
Johannes Brahms par Bernard Haitink
Emanuel Ax, Chamber Orchestra of Europe
Chef « classique » par excellence, Bernard Haitink consacre les deux soirées parisiennes du Chamber Orchestra of Europe à Johannes Brahms. Après un premier concert présentant la Symphonie Op.90 n°3 et le Concerto Op.15 n°1, le présent programme fait entendre le Deuxième concerto et la Quatrième symphonie.
Composé assez tardivement, le Concerto pour piano en si bémol majeur Op.83 n°2 est achevé en 1881 après trois années de travail. Il prend quasiment la forme d’une symphonie avec piano après ajout d’un scherzo entre l’Andante et le finale. Contrairement au premier, sifflé à sa création, celui-ci est un triomphe dès sa première exécution, le 9 novembre à Budapest, avec Brahms lui-même en soliste. Ce soir, Emmanuel Ax tient la partie pianistique avec équilibre et douceur, très en phase avec le chef. Il en développe les phrases complexes sans jamais démontrer la virtuosité technique, et intéresse particulièrement dans la conception personnelle d’un quatrième mouvement libre d’où se dégagent volontiers les thèmes hongrois. Par-delà l’habitude prise de cordes plus massives, l’accompagnement à soixante musiciens environ ne surprend plus : cette interprétation s’inscrit dans l’actuel revirement qui rend plus claires les parties de cordes et allège l’effectif, comme le fait d’ailleurs Christian Thielemann [lire notre critique du CD]. On trouvera pourtant peu d’inspiration dans cette vision lyrique mais non sensible, où ni tempo ni contrastes dynamiques (absence de pianissimo, par exemple) renouvelle l’écoute de cette œuvre tant jouée.
Créé quatre ans plus tard, la Symphonie en mi mineur Op.98 n°4, appelée « traurige Sinfonie » par le Hambourgeois lui-même et dernière du genre à son catalogue, est jouée dans le sillage de la première partie : superbement exécutée, tenues par quatre cors parfaitement justes et des bois splendides. Les musiciens se concentrent avant tout sur la main gauche de Bernard Haitink. La première phrase de l’Allegro non troppo donne le style utilisé dans toute l’exécution : une extrême délicatesse et un lyrisme dénué d’emphase. Là encore, quoique exempt de toute critique, ce classicisme intrinsèque n’arrive pas à passionner ni à magnifier cet opus dont on connait tant d’interprétations différentes. Cette vision très sage s’apparente finalement à une bonne soirée de répertoire.
VG