Chroniques

par bertrand bolognesi

John Nelson et l'Ensemble Orchestral de Paris
Boris Berezovsky joue Chopin

Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron / Parc du Château de Florans
- 21 juillet 2007
Boris Berezovsky joue les deux concerti de Chopin à La Roque d'Anthéron
© sylvain couzinet-jacques

C'est aux instrumentistes de l'Ensemble Orchestral de Paris et à leur chef John Nelson que le Festival International de Piano de La Roque d'Anthéron confie le soin d'inaugurer sa vingt-septième édition, par deux concerts donnés dans le parc du Château de Florans (ce soir et demain). Le premier programme encadre deux concerti par la musique de Ravel.

Preste et fluide, le Prélude du Tombeau de Couperin ouvre la fête. Le chef choisit une sonorité assez opulente qui n'est pas sans charme, donnant un certain relief à son interprétation. La Forlane s’y pare d’une préciosité charmante quoiqu'un rien vieillotte, tandis qu'on gèle remarquablement la Musette centrale du Menuet, achevée par un ralenti sans doute un peu trop soutenu. Dans une articulation stricte où se détache la belle couleur charnue de la clarinette, le Rigaudon conclut cet introït. En début de seconde partie, l'on retrouve Ravel et sa Pavane pour une infante défunte, relativement mal servie par des pizz' exsangues et un tempo trop lent.

Chacune de ces pages est suivie d'un concerto de Chopin, joués dans l'ordre d'opus qui inverse la chronologie de la composition. Boris Berezovsky gagne la scène pour une entrée fluide et délicate, d'une chaude vocalité, du Concerto en mi mineur Op.11 n°1. Son abord de l'Allegro maestoso s'affirme d'une grande tenue, dans une sonorité épaisse et toujours contrôlée qui évite toute brutalité. C'est incontestablement dans la Romance centrale que le pianiste moscovite se distingue, respirant un phrasé dont il affirme le bel canto, jusqu'à sa reprise plus intime. Le solo suspend l'écoute dans une couleur plus debussyste. Enfin, sous ses doigts le Rondeau final bénéficie d'une dynamique soigneusement conduite dont l'expressivité se garde de lever la tête, ménageant une cordiale simplicité à l'interprétation.

Si la lecture de John Nelson s'est avérée assez lourde, forçant volontiers le trait, çà et là, elle s'affine pour le Concerto en fa mineur Op.21 n°2. Berezovsky élargit l'impact de la pâte sonore, tout en offrant aux nuances un dessin sensible. La direction du Maestoso se fait plus vive et même inventive, à certains passages, tandis que le soliste exalte le mouvement dont la puissance peu à peu se dresse comme la crête d'une vague soudainement pétrifiée. Le Larghetto est plus leste qu'on s'y serait attendu, dominé par le chant toujours nourri du piano. Enfin, le dernier mouvement s’amorce dans une grâce malencontreusement contredite par un orchestre heurté qui oblige le soliste à faire crier l'aigu de son instrument. Cela ne l'empêchera cependant pas de peindre ensuite des climats différents et d'imposer des allures de ballet à la conclusion. Saluons également la générosité d'un artiste qui, non content de jouer deux concerti le même soir, remercie un public enthousiaste et chaleureux par une reprise du dernier mouvement.

BB