Chroniques

par gilles charlassier

José Menor joue Hèctor Parra
intégrale de l'œuvre pour piano

Lille Piano(s) Festival / Nouveau Siècle
- 9 juin 2018
José Menor joue intégrale de l'œuvre pour piano d'Hèctor Parra
© dr

Alors que s'achève sa résidence à l'Orchestre national de Lille [lire notre chronique du 22 mars 2018], avec Inscape, une commande conjointe de l'Ensemble Intercontemporain et de la phalange nordique, Hèctor Parra bénéficie également d'un éclairage dans le cadre du Lille Piano(s) Festival, avec la complicité de José Menor. Ainsi le soliste espagnol propose-t-il l'intégrale de l'œuvre pianistique de son compatriote, moins développée que sa production orchestrale ou électroacoustique.

Le récital s'ouvre avec La dona d'aigua (2009), navigant entre épisodes suspendus, densité rythmique rehaussée d'apocopes et de syncopes, et explorations métalliques. Tutoyant quelques discrètes ambivalences modales, il s'agit d'un condensé de l'écriture de Parra pour ivoire noire et blanche. L'exigence technique pour l'interprète se confirme dans l'Impromptu (2005), distillant des effets micro-percussifs, et plus encore avec les Cinq études d'art, écrites entre 2012 et 2016.

Si le compositeur assume un évident tropisme pictural, jusque dans les titres de ses partitions, l'inspiration visuelle ne cède pas à la tentation du pittoresque. Dédié à plusieurs artistes plastiques, de Tàpies à Plensa ou Richter, le vaste cycle, d'une durée d'une demi-heure, ne cherche pas à accuser les contrastes entre les portraits. L'oreille est plutôt retenue par une continuité dans le traitement instrumental, comme dans la construction formelle, quitte à laisser une impression un peu monochrome. Cos de matéria, Antoni Tàpies in memoriam inaugure le panorama sur forme de litanie qui plonge dans le tréfonds de la palette sonore, parsemée d'éclats, sans oublier des accents décantés. Plus ramassé, Carícies cap al blanc se nourrit de vélocité digitale faisant émulsionner d'arpèges et de trilles un discours çà et là ponctué d'arêtes. Haus ur, Office Baroque prolonge cette ivresse où l'on imagine une mise en abyme de perspectives architecturales. Morceau le plus conséquent du recueil, Cell (Arch of Hysteria) distille une nervosité virtuose très pianistique, quand Una pregunta (a Jaume Plensa) referme le pentaméron sur un crescendo polychrome.

Les Quatre miniatures (2007) se replient sur une technicité moins explicite, entre la marche alanguie de la deuxième, baignée d'une douce lumière, et le vernis de la quatrième. Après la vignette d'Impromptu pour équinoxe, la Sonate, également composée en 2010, clôt le parcours dans le corpus que Parra consacre au piano. Privilégiant une facture percussive, la pièce semble mesurer la résistance de la matière instrumentale avant de se laisser aller à une inspiration quasi symphonique, aux tonalités parfois rhapsodiques. Très sollicité, José Menor y déploie une maîtrise admirable, au diapason de celle manifestée tout au long d'un programme dont, à l'évidence, il détient les clefs.

GC