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journée Jean-Luc Ho
Bach, Marchand, Mendelssohn, Senfl, Telemann, etc.
Fondé en 1999 autour de la réplique de l'orgue d'Arnstadt à Pontaumur, voulue par un organiste passionné, Jean-Marc Thiallier (disparu en 2004), le festival Bach en Combrailles fait rayonner au cœur de l'Auvergne le Cantor de Leipzig et ses innombrables sources et influences dans l'histoire de la musique, depuis près de deux décennies. Prenant cette année la relève de Patrick Ayrton à la tête de la manifestation, Vincent Morel initie cette dix-neuvième édition avec une résidence de Jean-Luc Ho pour trois ans. La journée du jeudi 10 août offre un premier rendez-vous avec le musicien français.
C'est dans le récital de 16h, en l'église de Lapeyrouse, aux confins du Puy de Dôme et de l'Allier, que l'auditeur peut en mesurer le talent, avec un programme remettant à l'honneur Louis Marchand (1669-1732) [lire notre critique CD]. Compositeur et virtuose dont le caractère, sinon l'insolence, lui valut des déboires avec le Roi Soleil, soldés par une condamnation à l'exil sur les terres germaniques, sa réputation musicale excite la curiosité de ses pairs et des cours. En 1717, une joute avec Bach, qui estimait son collègue, est organisée à Dresde. Il semblerait cependant que cette rencontre n'ait jamais eu lieu : le Français aurait fui avant la confrontation. La tentation était trop grande pour ne pas l'imaginer, sur un des premiers clavecins de Jean-Luc Ho, réplique d'un Goujon réalisée par Émile Jobin.
La maîtrise des moyens s'affirme dès la Fantaisie en sol mineur n°11 de Georg Philipp Telemann, d'une justesse rhétorique sans emphase inutile, sensible dès l'Ouverture notée Pompeusement, et que l'on retrouve dans les deux autres mouvements, Allègrement et Vite. Si l'on reconnaît le monochrome tonal idiomatique d'un certain baroque français, que Couperin ou Marais ne démentiraient point, la Suite en ré mineur de Marchand explore la puissance expressive de l'instrument, magnifiée avec science et instinct. En témoigne la densité du Prélude, puis de l'Allemande. Les deux Courantes exsudent une sobriété séduisante que prolonge une ample Sarabande, avant une Gavotte en rondeau pointée avec finesse. Sans oublier le Menuet et la Gigue, la Chaconne conclusive déploie une richesse de registres dans une alchimie entre intelligibilité de la ligne et sensualité sonore que l'on retrouve dans la Partita en ré majeur n°4 BWV 828 de Johann Sebastian Bach. La générosité de l'Ouverture, d'une plénitude versaillaise non dénuée de luminosité italienne, se nourrit d'une ornementation souple et subtile, au naturel irrésistible, dont, après une vaste et profonde Allemande, la Courante offre l'exemple accompli. On goûtera mêmement les quatre mouvements subséquents – Aria, Sarabande, Menuet et Gigue – d'une vitalité précise et jamais corsetée : du grand art.
La soirée à Saint-Hilaire-la-Croix prend l'allure d'un consort amical.
Entouré de cinq voix – deux soprani, un alto, un ténor et un baryton, respectivement Eugénie de Padirac, Isabelle Savigny, Yann Rolland, Martial Pauliat et Igor Bouin –, Jean-Luc Ho accompagne à l'orgue un spicilège de motets, de Ludwig Senfl (musicien contemporain de Luther) à Mendelssohn, en passant par le Jesu, meine Freude BWV 227 (Bach) dans une lecture moins chorale qu'à l'accoutumée. À la suite du concert, le soliste français dévoile son amour des claviers anciens au côté de son facteur Émile Jobin (mentionné plus haut), avec un échantillon sonore d'ottavino, de virginal et de clavicorde.
GC