Chroniques

par bertrand bolognesi

Judicium Salomonis de Marc-Antoine Charpentier
Odes, antiennes et airs sacrés d’Henry Purcell

Les Arts Florissants dirigé par William Christie
Festival d’Ambronay / Abbatiale
- 17 septembre 2005
William Christie joue Charpentier au Festival d'Ambronay
© hervé nègre

La seconde soirée du vingt-sixième Festival d’Ambronay accueille Les Arts Florissants dans un programme où William Christie continue de souligner l’ascendance française des œuvres de Purcell. La première partie de ce concert est entièrement consacrée à l’oratorio Judicium Salomonis, soit Le jugement de Salomon, écrit par Marc-Antoine Charpentier en 1702, vraisemblablementpour l’ouverture du Parlement de Paris ; il est la dernière grande pièce du compositeur qui disparaîtrait deux ans plus tard. Comme à son habitude, Christie livre dès l’abord une lecture orchestrale somptueusement définie, à la plasticité rutilante, dans une dynamique extrêmement élégante. Le début de la seconde partie de l’ouvrage est servi par un exquis travail de couleur, dans un climat plus recueilli. Attention cependant de ne pas perdre en tonicité ce qu’y gagne l’équilibre des timbres. Le Chœur révèle une efficacité exceptionnelle, notamment dans le redoutable Ideo cunctis unanimiter lœtantitibus, se montrant fort expressif dans Et facto mane evigilavit.

Les solistes donnent à cette interprétation le meilleur d’eux-mêmes. Si Paul Agnew n’est pas ce soir au mieux de sa forme dans le rôle de Salomon, il nuance magnifiquement et affirme une nouvelle fois sa grande intelligence du texte, servie par une diction exceptionnelle du français. De même Neal Davies, pour posséder la prestance idéale et une belle conduite jamais maniéré de son chant, est-il un Dieu maladroitement nasalisé dans le bas-médium et un rien « vinaigré »dans l’aigu. Le mezzo Marie-Claude Chappuis s’avère une Vraie Mère d’une grande crédibilité dramatique, qui affirme un timbre chaleureux au service d’une expressivité mesurée. Nous retrouvons la basse João Fernandes, voix d’une richesse rare à la présence remarquable, toutefois pas toujours maîtrisée, comme en témoignent certains soucis de justesse. En revanche, le jeune baryton Marc Mauillon révèle un cuivre lumineux sur l’ensemble de la tessiture, sans nasaliser jamais, avec émission parfaitement timbrée et projection évidente ; il use, tout au long de cette exécution, d’une vaillance bienvenue comme d’un art plus subtil de la nuance. Enfin, l’unité et la clarté du dessus à la française Leif Aruhn-Solén s’imposent tout naturellement.

Les Odes, antiennes et airs sacrés d’Henry Purcell font la deuxième partie de cette soirée. Ils ne bénéficient pas des mêmes avantages. Si João Fernandes se trouvé ici plus à son aise et, du coup, nettement plus fiable, les approximations de Paul Agnew sont gênantes. On retiendra néanmoins les ensembles à quatre voix masculines exquisément réalisés, minutieux et pleins d’esprit, de My beloved spake ; de même le chœur « Farewell, oh ! Farewell » d’In guilty night (Z.134) se révèle-t-il une petite merveille d’équilibre.

BB